La villa des secrets by Rosanna Ley

La villa des secrets by Rosanna Ley

Auteur:Rosanna Ley [Ley, Rosanna]
La langue: fra
Format: epub
Tags: Roman
Publié: 2013-03-20T04:00:00+00:00


35

C’était la fin d’un été dont la chaleur blanche avait perduré jusqu’en octobre et épuisé Flavia.

Ils avaient préparé la salsa traditionnelle (à manger en hiver pour se rappeler l’été, disait Mamma), et la moitié du village s’était retrouvée sur les terrasses qui entouraient la Villa Sirena pour manger et danser toute la nuit. Ça avait été une bonne année pour les tomates, en particulier les pizzutelli, ces petites tomates cerises rouge foncé à la peau épaisse qui faisaient la meilleure sauce. La marmite de salsa avait cuit deux jours durant, les voisins et la famille ayant tour à tour remué la lave rouge frémissante de tomates et de basilic qui avait au préalable passé des heures à mijoter dans des bouteilles de bière vides stérilisées. Et désormais, ils espéraient tous que la pluie viendrait rompre cette chaleur insupportable.

Un matin, Papa et Mamma échangeaient des murmures dans la cucina, mais ils se turent aussitôt que Flavia apparut.

— Qu’est-ce qu’il y a ? lança-t-elle.

— Nous organisons un déjeuner, déclara Papa, pour le jour des Morts. Tu cuisineras, sì ?

— Pour combien ?

Ça ne dérangeait pas Flavia. Elle aimait cuisiner, et, plus les convives étaient nombreux, plus elle était contente. Le fait de confectionner un menu (avec leurs ressources limitées, bien sûr) lui changeait les idées, et laver, peler et couper les légumes, ou encore étaler la pâte pour la pasta étaient des tâches répétitives qui lui permettaient de rêver en même temps.

Flavia remit du café sur le feu. Elle rêvait encore de Peter. Quelque chose lui disait qu’il viendrait la chercher, même si cela faisait déjà six ans qu’il le lui avait promis et qu’elle n’avait pas eu une seule nouvelle. Elle savait qu’il représentait son unique chance de partir d’ici. Puisqu’il n’était pas venu, elle était persuadée que c’était pour une très bonne raison. Mais comment pouvait-elle deviner cette raison ? Comment pouvait-elle décider quoi faire ?

— Nous serons cinq, dit Papa avec une étrange lueur dans le regard.

— C’est tout ?

Flavia était déçue. Le jour des Morts était important aux yeux des Siciliens. Il giorno dei morti. Traditionnellement, c’était une journée de fête où on priait, où on se rendait au cimetière et où on se souvenait de la famille et des amis disparus. Mais il y avait un seul homme dont Flavia se souviendrait. Elle ne l’oublierait jamais.

— Et nous aimerions un déjeuner qui sorte de l’ordinaire, poursuivit Papa.

— Qui sera là ? s’enquit Flavia.

Elle était déjà en train d’élaborer le menu dans sa tête. Peut-être commenceraient-ils par des melanzane et des poivrons. Son secret, c’était de les préparer avec un filet de vinaigre balsamique et d’huile olive, dont la richesse relevait le goût des melanzane. À la fin de l’été, la terre regorgeait de ces deux légumes en particulier. Flavia avait hérité du caractère économe de sa mère ; il le fallait, les temps étaient durs, et la nourriture manquait au village.

— Enzo, dit Papa. Avec Rodrigo, son neveu. Le garçon d’Ettore.

— Enzo ?

Flavia, plutôt surprise, alla chercher les petites tasses à café blanches.



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