La maison du commandant - 06 Soneri by Valerio Varesi

Auteur:Valerio Varesi [Varesi Valerio]
La langue: fra
Format: epub
Tags: Polar italien
Publié: 0101-01-01T00:00:00+00:00

CHAPITRE 12

Dans la salle du Stendhal, on avait installé un commandement d’urgence en dégageant les tables. Montesano était nerveux, et ses allées et venues mettaient le commissaire dans l’embarras : en présence d’Angela, il avait l’air d’être en vacances.

— Si c’est pour le chaland, laissez tomber, l’intercepta Carega. Il n’a laissé aucune trace, ce ne sera pas le dernier à finir au fond du Pô.

Montesano haussa les épaules.

— Il y a encore ce fou…

On comprit tout à coup son allusion : jusque-là, personne n’avait fait attention à la musique lyrique qui s’était engouffrée dans le village. Angela entraîna Soneri dehors, et d’autres les suivirent. Le son était encore plus fort à l’extérieur, malgré la brise qui en modulait le volume.

— Mais ça vient d’où ? demanda Soneri.

— De chez Nocio, répondit Carega.

— Il est fou ! répéta le carabinier.

Ils montèrent tous ensemble sur la digue comme s’ils allaient en procession sur les berges du Pô pour prier la Madone. Il ne manquait que le curé à la tête du cortège, mais à Sacca, les curés n’officiaient plus depuis longtemps.

— Le voilà !

Montesano indiqua le ponton d’où l’on apercevait une lueur tremblotante.

— Il reste sur l’eau, attaché à ses deux peupliers.

On distinguait un halo de lumière, une timide aurore au-dessus du courant. La musique s’entendait maintenant dans toute sa puissance, et elle envahissait l’immensité du fleuve, cet espace infini que l’eau s’était creusé dans le brouillard épais de la plaine campagne.

— La Force du destin ! s’exclama Carega avec emphase, et Soneri reconnut l’interprétation incomparable de Pavarotti.

C’était comme si les notes donnaient voix à l’instant qu’ils vivaient, comme si elles surgissaient du fleuve. Tout suivait le courant, tout était emporté par une force obtuse, irraisonnée et indomptable.

— S’ils m’envoient des renforts, j’interviens, menaça Montesano.

— Et pourquoi ? réagit Carega. Puisqu’on est au spectacle, il faut bien une bande-son.

Quelqu’un hurla de couper les câbles pour le faire taire, mais tous les autres protestèrent. Verdi s’appréciait à tue-tête. Montesano fut contraint d’abonder. Il se résigna à écouter avec les autres, mais la musique ne devait pas être à son goût, car peu après il réattaqua son refrain :

— Je suis responsable, et s’il arrive quelque chose…

— Je vais essayer d’aller le convaincre, trancha Soneri. Par contre, je ne vous garantis rien.

Le militaire le dévisagea d’un œil circonspect.

— Si vous avez envie de vous prendre de la flotte…

Le commissaire monta sur le zodiac des pompiers, plus moderne et plus confortable que le canot de Nocio. Par chance, le courant du lit d’inondation, ralenti par le bas-fond et par les peupliers, n’était pas aussi fort que le courant du lit mineur. De loin, la maison flottante ressemblait à une flamme s’agitant sous des voiles de pluie et de brouillard. Une phosphorescence répandant autour d’elle les notes de Verdi, poignantes et solennelles. Nocio surgit sur la terrasse, auréolé d’une lumière qui empêchait d’en distinguer les traits. On ne voyait qu’une ombre noire, et sa voix résonnait comme depuis le podium d’un meeting.

— Allez-vous-en, gronda-t-il, je ne

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