La chute des tours by DELANY Samuel R

Auteur:DELANY,Samuel R. [DELANY,Samuel R.]
La langue: fra
Format: epub
Tags: Science-Fiction
Éditeur: Opta
Publié: 1963-06-14T23:00:00+00:00

6

Les semelles de ses bottes touchèrent la boue. Il se trouvait à Ketrall. Les bras plaqués contre sa poitrine, il essaya de réprimer l’excitation qui montait en lui et qu’il sentait vibrer dans ses épaules, dans ses poignets. Le sol, sous lui, était aussi mou que le terrain vaseux des lagunes, près de la mer. La brume, aussi dense, aussi froide, aussi humide que les brouillards d’automne qui, parfois, se refermaient sur son bateau. Il songea au mois d’octobre. Le ciel, loin au-dessus des écharpes de brume, était brillant comme le fond d’un coquillage longuement poli.

Non. Il ne fallait pas penser à cela. Il ne faut pas y penser ! se dit-il avec violence. Il s’avança, essayant de voir devant lui. Il était mal à l’aise, comme cette fois où il s’était perdu dans le brouillard pendant six heures avec le dinghy, sans rame. Pendant quelques secondes, la brume s’écarta et il eut le temps d’apercevoir les cabanes.

Il fit quelques pas et s’aperçut que le sol devenait plus ferme. Finalement, il atteignit le seuil et appela. Il ne voyait aucune lumière à l’intérieur. La brume qui flottait dans l’ombre portait une senteur d’algues, une senteur familière pour Tel, une senteur qui rendait les choses plus matérielles, plus vivantes. Pourtant, il se trouvait en pleine zone irradiée, dans un endroit qui était comme une pustule sur un fragment miraculeusement épargné de la croûte planétaire. Il appela une seconde fois.

« Hello ! » dit une voix familière. Un visage apparut, celui de Ptorn. Il gratta son crâne rasé. « Alors tu as réussi à arriver ici ? Sacré voyage, hein ? »

— « Tu peux le dire. Sacré voyage. »

— « Je crois que ton lit se trouve par là. »

Il entra, distingua vaguement une rangée de lits dans l’ombre. « Où est l’ennemi ? » demanda-t-il. « Et les autres ? »

— « Nous sommes encore loin de la ligne de feu, » dit Ptorn. « Les autres seront bientôt là. »

— « On ne voit rien. Nulle part, » dit Tel, mal à l’aise, regardant à nouveau vers la porte. « Il devrait y avoir des ennemis dehors. Ils devraient nous guetter, essayer de nous griller, non ? Tu ne sais rien ? »

Ptorn haussa les épaules.

« Eh ! Oh ! » Une ombre se dessina sur le seuil.

« Par ici ! » dit Tel. Il lui semblait que cette nouvelle voix aussi lui était familière.

« Heureux de voir que tu as réussi toi aussi. »

— « On dirait que tu t’en es bien tiré, de ton côté, » dit-il, sans savoir encore qui était le nouvel arrivant. Puis il s’exclama : « Shrimp ? C’est toi ? Je le pensais bien. Ça va ? »

— « Salement humide, » dit Shrimp. « Ça sent la langouste. »

— « Ça sent la maison, » dit Tel.

Une nouvelle silhouette apparut. « Eh… On voit rien là-dedans. »

— « Y a rien à voir, vieux singe, » lança Shrimp en s’approchant d’un lit sur lequel il se laissa tomber de tout son poids.

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