Deviens ce que tu es by Pierre Schreiber

Deviens ce que tu es by Pierre Schreiber

Auteur:Pierre Schreiber [Schreiber, Pierre]
La langue: fra
Format: epub
Publié: 2021-06-29T23:00:00+00:00


Séparation

Bangkok

Alexeï donna rendez-vous à Alice à la station de BTS Saphan Taksin. Sous le pont massif du métro aérien, entre deux marchands ambulants de street food, il la retrouva en début de matinée. La jeune femme avait l’air épuisée, les traits tirés et le teint pâle, elle était visiblement marquée par les événements récents. Alexeï lui fit signe de le suivre en direction de l’embarcadère. Il négocia une virée d’une heure dans les klongs avec un pilote de long-tail boat. Seuls sur l’eau, dans le dédale de canaux qui faisaient de Bangkok la Venise du Sud-Est asiatique, ils purent discuter sans risque d’être espionnés. Le bruit assourdissant du moteur et de l’hélice accrochés au bout d’une perche empêchait le pilote de comprendre quoi que ce soit à leur conversation. Si tant est qu’il parlât quelques mots de français, ce qui était hautement improbable.

— Je suis content de te revoir, Alice. Ça faisait trop longtemps.

Alexeï roulait toujours les « r » de son gros accent russe. En revanche, sa syntaxe s’était améliorée depuis ces années. Il parlait un français tout à fait correct. Alice aussi était heureuse de le retrouver.

— J’aurais préféré que ça se passe dans d’autres circonstances, nota-t-elle avec regret.

— Le plus important est que je suis là pour Arno et pour toi.

— Oui, Arno m’a dit que tu pourrais m’aider…

— Raconte-moi tout.

Alexeï se garda de préciser qu’il savait déjà pas mal de choses puisqu’il avait suivi Alice à la demande d’Arno.

— J’essaie d’aider les malades du sida à avoir une vie meilleure dans ce pays… entama-t-elle.

Alexeï écoutait en silence.

— J’ai eu l’idée d’utiliser le goût des étrangers pour les Thaïes pour les faire contribuer à une fondation qui améliorera le sort des malades. Mon système commençait à bien marcher jusqu’au moment où l’une de mes filles, Bim, a été retrouvée assassinée dans un salon de massage de Sukhumvit.

— Par un client ? demanda Alexeï.

— Je ne crois pas. Elle avait rendez-vous avec un ingénieur allemand qu’elle avait déjà rencontré plusieurs fois. Il était presque amoureux d’elle.

Alexeï fit une moue septique. Il connaissait la propension des farangs à se laisser séduire par les Thaïes essentiellement à cause de leurs prouesses au lit. Dès qu’il s’agissait de se ranger dans une vie plus calme et d’apporter à la fille la sécurité qu’elle recherchait finalement, ils disparaissaient dans la nature. Il en fit la remarque à Alice.

— Peut-être… dit-elle. Toujours est-il que le client a été mis hors de cause. Thanit Kanchanapimaï, le policier avec qui je suis en contact, a interrogé le client. Il dit qu’il a attendu Bim toute la soirée à l’hôtel, puis, que comme elle n’arrivait pas, il a dormi jusqu’au lendemain matin. La sécurité de son hôtel a confirmé.

— Tu sais qui a pu faire ça ?

— J’ai des soupçons sur un homme thaï de la « high so ». Un certain Prasert qui m’a prévenue que je mettais les pieds dans un business dangereux. Mes amis thaïs me le confirment également. Même si mon projet est généreux, ils disent qu’on ne me laissera jamais faire dans ce pays.



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