Récits morts - Un rêve égaré by Koltès Bernard-Marie

Récits morts - Un rêve égaré by Koltès Bernard-Marie

Auteur:Koltès, Bernard-Marie [Koltès, Bernard-Marie]
La langue: fra
Format: epub
Tags: Littérature Française
Éditeur: La Gang™
Publié: 2014-04-26T22:00:00+00:00


DANTALE. – Tel que je vous avais rêvé ! Laissez-moi vous caresser ; je sens que, rien que de vous toucher, je me transforme, quelque chose se brise, vous faites remonter jusqu’à mes lèvres un goût que j’avais oublié. Tel que je vous désire ! Balayez, balayez encore devant moi ; aplanissez, écrasez, rendez le terrain clair et propre. Ah, vous me cassez en deux, vous me redonnez le plaisir d’avoir tout oublié, le goût de la fête, le goût de jouir de ce feu qui me monte à la tête. (Il touche la mâchoire.) Elles coupent, elles sont aiguisées, et encore tachées de sang. Qu’en avez-vous fait, à quoi ont-elles servi ? Je ne veux pas le savoir, je veux le deviner, je veux l’imaginer en les touchant des doigts ; et les idées me montent à la tête comme des flammes. Mordez, mordez les ennemis, mordez les têtes qui dépassent, nettoyez, nettoyez ! Ah, comme on s’amuse, comme ce feu brûle, comme vous avez brisé ma cervelle, et fait remonter à la surface de belles choses !

**

Servien, un cocktail Molotov à la main.

SERVIEN. – Grains de sable, vagues de sable, sable poussé par la mer ; tordu, manié, tournoyant comme dans un bal, plein d’éclats au soleil ! Il est de ce sable oisif, qui ne voit dans la vague que le côté plaisant, et s’amuse, et sautille, et se divertit à jamais de tout. Et tombe, à l’accalmie, tournoyant doucement pour la toute dernière fois, comme des tirebouchons ; et se repose enfin, immobile, sourire fixe comme une grimace tournée vers le fond.

Liquide, océan trouble, essence jaillie intacte de la croûte percée ; se jetant au soleil dans un élan de voix, et déclame à sa face sa puissance de lumière ! Il est encore ce liquide frondeur – mobile et incertain –, prêt à s’enflammer, à la recherche d’une flamme. Et demeure un instant suspendu dans les airs, sans support, follement ; et s’évapore ensuite sous l’ardeur du soleil ; ou retombe recouvrir le sable, en gouttes seules, en larmes comme des larmes d’attente.

Et vent, brise, air transparent, impalpable, qui flotte tout en haut, et plane par-dessus. Il est aussi ce vide menteur et docile, qui gémit doucement comme dans les rochers ; qui se plaint puis se persuade ; et recommence à gémir, indécis, transparent, et puis ne bouge plus, comme absent.

Enfin, il y a moi, qui agit. (Il ôte la mèche).

J’aperçois au loin comme une tornade, un mouvement violent en rond sur lui-même ; qui tourne et s’élève.

Qu’importe que le sable soit plus lourd que le liquide ; que le liquide recouvre et attende ; tandis qu’il flottait au-dessus un air imprégné ? Car moi je suis là, et je veille. (Il boit la bouteille).

**

L’ECCLÉSIASTIQUE, flottant comme un drapeau ; au milieu de fumées et d’explosions de bombes. – Que Dieu me pardonne ! – il ne pardonnera pas ; je m’en fous. Ce n’est pas maintenant que nous allons céder. Tant pis ; il fallait qu’il s’en occupe avant, bien avant – que Dieu me pardonne.



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