Marguerite Duras, une jouissance à en mourir by Olympia Alberti

Marguerite Duras, une jouissance à en mourir by Olympia Alberti

Auteur:Olympia Alberti
La langue: fra
Format: epub
Éditeur: Le Passeur Editeur
Publié: 2014-08-14T16:00:00+00:00


C’était près de cinquante ans après, qu’elle affirmerait qu’on voudrait s’anéantir d’aimer, l’amour étant une fin en soi. Il fallait avoir beaucoup aimé pour entrevoir cette dimension-là, et elle savait, dans le secret de son cœur, que seul l’amour lui avait permis de s’approcher du mystère, de son éblouissement, de la gratitude qu’elle en avait éprouvée encore sans la nommer.

Et elle se souvenait soudain des mots qu’il avait dits, l’homme de Cholen, des mots immenses et purs de toute crainte, dans la certitude d’un jade inconnu du monde, lors de l’une de leurs dernières rencontres : Oui. L’amour sera dans le cercueil avec les corps, elle avait dit.

– Oui. Il y aura des livres en dehors du cercueil.

– Peut-être. On ne peut pas encore savoir. Elle, elle avait eu peur, soudain, devant l’immensité du destin, pas devant eux, devant elle seule, à accomplir, ouvert. Il avait affirmé :

– Si on sait. Qu’il y aura des livres, on sait. Ce n’est pas possible autrement.

Alors la pluie de mousson, droite, pleine, avait repris. Il pouvait pleuvoir ; ailleurs écrire l’attendait, promesse d’une affirmation souveraine. Comme si ses mots, de lui, étaient un talisman qui valait tous les diamants, vendus.

Une fois partie de Sadec, et bouclée, croyait-elle, l’histoire avec l’amant, quelque chose en elle s’était recueilli. Comme mis en méditation. Et ce qui avait été Blue Moon, des cocktails forts, des Martell-Perrier, des silences, de l’eau disparue dans du sable, ce qui avait été presque ignoré longtemps lui était revenu au cœur, comme un vertige : il lui faudrait vivre pour écrire l’ineffable de ce qui avait été eux, et c’était avec ses propres mots qu’elle rendrait visage et peau douce à l’amant, qu’elle retrouverait les gestes, la brûlure, la pure splendeur de leurs heures d’éternité, de… ce qu’il lui fallait bien reconnaître comme de l’amour.

L’enfant avait ignoré longtemps le pourquoi de cette fascination… Et puis un jour elle s’en était souvenue : elle avait retrouvé l’image intacte du bal exsangue et sans paroles des couples du pont comme déjà intégrée dans un livre qu’elle n’avait pas encore abordé mais qui avait dû être en instance de l’être chaque matin… et qui réclamait d’être écrit…

Des images gardées d’autres livres venaient, se superposant comme des négatifs dans une boîte, et c’était le bal de S. Thala, et les rues de Saïgon, les nuits de Vinhlong, la mousson de l’enfance et la pluie normande, les questions et loin derrière l’horizon, les livres pour seules tentatives de réponses. Toujours elle avait senti cette vérité de l’inscription de l’éternité dans le quotidien, elle l’avait devinée, parfois décelée, comme l’enfant qui disait au sculpteur, « comment tu savais que le cheval il était prisonnier dans le bloc de pierre ? » Ses livres l’avaient attendue, de toujours et partout, de toutes les étendues de terre et d’océan du monde. Il y avait une préexistence du désir, des instants, des choix, des attirances, il y avait encore et toujours ce mystère à reconnaître.



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