OTHELLO OU LE MAURE DE VENISE by William Shakespeare

OTHELLO OU LE MAURE DE VENISE by William Shakespeare

Auteur:William Shakespeare [Shakespeare, William]
La langue: fra
Format: epub
Tags: Théâtre
Éditeur: Atramenta (www.atramenta.net)
Publié: 2011-11-15T00:00:00+00:00


SCÈNE IV

Toujours dans le château.

Entrent DESDÉMONA et ÉMILIA suivies du BOUFFON.

DESDÉMONA.—Savez-vous, drôle, où est caché le lieutenant Cassio ?

LE BOUFFON.—Je ne puis dire qu'il soit caché quelque part [Dans l'impossibilité de rendre avec exactitude tous les calembours du bouffon, on a tâché de suppléer par des équivalents ; il joue sans cesse sur les mots to lie, être couché, être dans quelque endroit, et to lie, mentir. Ce jeu de mots est très-fréquent dans Shakespeare.].

DESDÉMONA.—Quoi donc ?

LE BOUFFON.—C'est un soldat, et, pour moi, dire qu'un soldat se cache, c'est le frapper.

DESDÉMONA.—Allons-donc, où loge-t-il ?

LE BOUFFON.—Vous dire où il loge, ce serait vous dire par où je mens.

DESDÉMONA.—Que veut dire tout cela ?

LE BOUFFON.—Je ne sais où il loge ; et pour moi, supposer un logement et vous dire : «Il loge ici ou là,» ce serait mentir par ma gorge.

DESDÉMONA.—Pouvez-vous aller le chercher et vous informer du lieu où il est ?

LE BOUFFON.—Je questionnerai tout le monde sur lui, et par mes questions, je dicterai les réponses.

DESDÉMONA.—Cherchez-le, dites-lui de venir, annoncez-lui que j'ai touché mon seigneur en sa faveur, et que j'espère que tout ira bien.

LE BOUFFON.—Ceci est à la portée de l'esprit d'un homme, et je vais l'entreprendre.

DESDÉMONA.—Où puis-je avoir perdu ce mouchoir, Émilia ?

ÉMILIA.—Je ne sais, madame.

DESDÉMONA.—Crois-moi, j'aimerais mieux avoir perdu ma bourse pleine de crusades : et si mon noble Maure n'avait pas une belle âme où n'entrent point les bassesses de tant de jalouses créatures, il y en aurait assez pour lui donner de mauvaises pensées.

ÉMILIA.—Il n'est donc pas jaloux ?

DESDÉMONA.—Qui, lui ? Je crois que le soleil sous lequel il est né a purgé son sang de toutes ces humeurs.

ÉMILIA.—Regardez, le voilà qui vient.

DESDÉMONA.—Je ne le quitte plus qu'il n'ait rappelé Cassio. (Entre Othello.) Eh bien ! seigneur, comment allez-vous ?

OTHELLO.—Bien, ma bonne dame. (A part.) Oh ! qu'il est difficile de dissimuler !—Comment vous portez-vous, Desdémona ?

DESDÉMONA.—Bien, mon bon seigneur.

OTHELLO—Donnez-moi votre main. Cette main est moite, madame.

DESDÉMONA.—Elle n'a encore éprouvé ni les atteintes de l'âge, ni celles du chagrin.

OTHELLO.—Ceci dénote une grande fécondité et un coeur facile.—Chaude, chaude et moite !—Cette main dit qu'il vous faut de la retraite, moins de liberté, des jeûnes, des prières, des mortifications, de pieux exercices ; car il y a ici un jeune et ardent démon, qui souvent se révolte : voilà une bonne main, une main bien franche !

DESDÉMONA.—Oh ! vous pouvez bien le dire avec vérité, car ce fut cette main qui donna mon coeur.

OTHELLO.—Une main libérale ! Jadis le coeur donnait la main ; maintenant, dans notre blason moderne, c'est la main qu'on donne et non plus le coeur.

DESDÉMONA.—Je ne sais ce que vous voulez dire ; revenons à votre promesse.

OTHELLO.—Quelle promesse, ma belle ?

DESDÉMONA.—J'ai envoyé dire à Cassio de venir vous parler.

OTHELLO.—J'ai un rhume opiniâtre qui m'importune : prêtez-moi votre mouchoir.

DESDÉMONA.—Le voilà, seigneur.

OTHELLO.—Celui que je vous ai donné.

DESDÉMONA.—Je ne l'ai pas sur moi.

OTHELLO.—Non ?

DESDÉMONA.—Non, en vérité, seigneur.

OTHELLO.—Vous avez tort. C'est une Égyptienne qui avait donné ce mouchoir à ma mère ! et c'était une magicienne qui savait presque lire dans les pensées.



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