Le moine noir by Tchekhov Anton

Le moine noir by Tchekhov Anton

Auteur:Tchekhov, Anton [Tchekhov, Anton]
La langue: fra
Format: epub
Tags: Short Fiction, Collections
Éditeur: Feedbooks (www.feedbooks.com)
Publié: 1928-03-01T23:00:00+00:00


Partie 17

LE POINT D’EXCLAMATION (CONTE DE NOËL)

La nuit de Noël, Iéfime Fomitch Péréklâdine, secrétaire de collège(NB: C’est-à-dire un fonctionnaire de la dixième classe. (Tr.)), se coucha, piqué et même froissé.

– Laisse-moi, force impure ! s’exclama-t-il furieux, quand sa femme lui demanda pourquoi il était si sombre.

Il venait de rentrer d’une soirée au cours de laquelle on avait dit maintes choses désobligeantes et désagréables pour lui. On avait d’abord parlé de l’utilité de l’instruction en général, puis on en vint au niveau d’instruction des fonctionnaires, et on exprima à ce sujet beaucoup de reproches, des regrets et des moqueries. Puis, des questions générales on passa, comme il est habituel dans toutes les sociétés russes, aux personnes.

– Ne prenons que vous, Iéfime Fomitch, lui dit un jeune homme. Vous avez une belle place… et quelle instruction avez-vous reçue ?

– Aucune, monsieur, répondit modestement Péréklâdine. Mais, dans notre emploi, l’instruction n’est pas nécessaire. Il n’y a qu’à écrire correctement ; cela suffit…

– Et où avez-vous donc appris ainsi à écrire correctement ?

– L’habitude, monsieur… En quarante années de service, on peut se faire la main… D’abord, naturellement, ç’a été difficile ; je faisais des fautes ; puis je me suis habitué, monsieur…, et ça marche…

– Et la ponctuation ?

– La ponctuation aussi… Je la mets correctement…

– Hum… dit le jeune homme, déconcerté. Mais l’habitude est autre chose que l’instruction. C’est peu que vous mettiez la ponctuation… très peu, monsieur !… Il faut la mettre avec discernement ! Si vous mettez une virgule, il faut vous rendre compte de la raison pour laquelle vous la mettez… Oui, monsieur ! Votre orthographe inconsciente… à réflexes… ne vaut pas un liard. C’est de la fabrication mécanique, et rien autre. Péréklâdine se tut et fit même un sourire modeste. (Le jeune homme était fils d’un conseiller de cinquième classe et était lui-même de la dixième.)

Mais à présent Péréklâdine, en se couchant, était transporté d’indignation et de colère.

« J’ai servi quarante ans, pensait-il, et personne ne m’a traité d’imbécile ; et là, regarde un peu, quelles critiques j’ai trouvées !… « Orthographe inconsciente… réflecturée !… Fabrication mécanique !… » Ah ! va au diable !… Peut-être que je comprends mieux que toi, sans être passé par les Universités ! »

Ayant adressé mentalement à son critique toutes les injures connues, et s’étant réchauffé sous sa couverture, Péréklâdine s’apaisa.

« Je sais… pensait-il en s’endormant… je comprends… Je ne mets pas deux points là où il faut une virgule ; donc j’entends, je comprends… Oui… jeune homme, c’est ainsi !… Il faut ne juger les vieux qu’après avoir vécu et servi… »

Devant les yeux clos de Péréklâdine sommeillant surgit soudain, comme un météore traversant un peuple de nuages noirs et souriants, une virgule de feu. Puis une seconde virgule apparut… une troisième ; et bientôt tout l’horizon infini et sombre, déroulé devant son imagination, se couvrit de masses compactes de virgules volantes…

« Ne prenons que ces virgules… continua Péréklâdine, sentant, à l’approche du sommeil, ses membres s’engourdir doucement. Je les comprends



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