L'intimité du tueur by Pierre Willi

Auteur:Pierre Willi [Willi, Pierre]
La langue: fra
Format: epub
Tags: Policier
Éditeur: Fleur Sauvage
Publié: 2017-05-25T22:00:00+00:00

16

— Qu’est-ce que vous en pensez ? demanda Gilles Demol après quelques pas sur le parking de la centrale pénitentiaire.

Olivier Jean n’était pas fâché de laisser derrière lui cet enfer carcéral de béton. Le soleil avait fui sans laisser de souvenir, l’air était frais et humide, la bourrasque agressive, mais les deux hommes respiraient librement et ils savouraient cet instant.

— Un sentiment mitigé, répondit Olivier. Ce serait commode de le croire, mais j’ai un sérieux doute. Je me dis qu’il invente.

— C’est un mythomane, trancha l’avocat en s’enfonçant une cigarette dans la bouche. Il n'y a pas un quart de vrai dans ce qu'il dit.

Il présenta son paquet de cigarettes à Olivier qui refusa.

— N’allez pas croire que je vous dévoile mon système de défense, émit l’avocat avec un petit rire désabusé. Je ne suis pas encore convaincu de l’accompagner jusqu’aux assises.

Olivier Jean le regarda avec surprise.

— C’est un vrai criminel que je veux représenter, pas un mythomane.

— Nicole Vilar ne vous suffit pas ? Et les trois étudiantes enlevées sur le campus de Lyon, qu’il affirme avoir violées et tuées ?

Demol fit un geste de la main.

— Je veux bien croire qu’il ait tué Nicole Vilar de ses mains. Dans ses élucubrations, c’est la seule partie à peu près crédible. Quant au reste…

— Mirnat n’est pas suffisamment sanguinaire pour mériter votre estime ? lança Olivier. Pas assez cruel ?

L’avocat eut un sourire en coin. Il était habitué à ce genre de piques, surtout de la part des policiers. Il n’était pas sans ignorer que les protecteurs de la loi l’appréciaient fort peu.

— Il y a certaines vérités qu’il est toujours bon de rappeler parce qu’elles ne sont malheureusement pas évidentes pour tout le monde, prononça sentencieusement Gilles Demol. Pauvres humains que nous sommes, qui avons peur de nous-mêmes, qui refusons de voir la bête en nous, la bête endormie qui peut-être un jour se réveillera.

Il se tourna brusquement vers le gendarme et pointa un doigt inquisiteur sur son estomac.

— Vous aussi vous cachez soigneusement votre part d’ombre. Ne dites pas le contraire ! Nous avons tous une part d’inavouable en nous. Ne pas le reconnaître, c’est se mentir à soi-même.

Surpris par l’attaque, Olivier Jean prononça une suite de borborygmes inintelligibles. Il serra les mâchoires pour se reprendre et combattre ce flottement. Mais en même temps, il bloqua une répartie cinglante qui l’aurait secouru en remettant l’avocat à sa place. Son trouble dès lors résonna comme un aveu inconscient. L’avocat enfonça le clou :

— Cette part d’ombre, que vous cachez, là, secrètement. Je la connais. Vous refusez de la voir, vous en avez à peine conscience. Eh bien, cette part d’ombre, tous ces petits monstres qui grouillent en dedans de vous, ces affreux petits monstres inavoués, peut-être qu’ils deviendront grands un jour. Énormes ! Peut-être, et je ne vous le souhaite pas, vous déborderont-ils ? Ce jour-là, croyez-moi, vous serez bien content qu’un avocat mal considéré se dévoue pour vous défendre. Pour défendre devant la justice des hommes la petite part d’humanité qu’il reste en vous, que les monstres que vous hébergez n’auront pas tuée.

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