Le soleil sous la soie by Eric Marchal

Auteur:Eric Marchal [Marchal, Eric]
La langue: fra
Format: epub
Publié: 2012-03-25T04:00:00+00:00

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— Rosa ?

Azlan venait d’entrer dans la pièce attenante à la galerie des Cerfs, un verre dans chaque main.

— Je suis désolé du temps pris, mais vous me le pardonnerez quand vous saurez ce que j’ai apporté ! ajouta-t-il.

— La marquise n’est pas là, dit Charles Giraumel en sortant de derrière les tentures qui masquaient le balcon. Je regardais la rue s’amuser, ajouta-t-il comme pour se justifier.

Giraumel lui expliqua où Rosa se trouvait, ce qui arracha une grimace à Azlan.

— Nous nous sommes certainement croisés, conclut-il.

— Et qu’avez-vous donc dans ces verres ? demanda l’homme, piqué de curiosité.

— Un vin pétillant, invention d’un moine bénédictin de l’abbaye Saint-Pierre d’Hautvillers. C’est léger et divin !

Giraumel eut un instant d’hésitation. Il n’avait pas le souvenir d’un tel alcool dans le menu des festivités.

— Normal, répondit Azlan, il se trouve dans les caves du palais. C’est le comte de Carlingford qui m’y a emmené pour me montrer ce trésor. Il n’y en a que cinq caisses achetées au père Pérignon. Et c’est, paraît-il, une boisson aux multiples bienfaits.

— Oserais-je vous demander de pouvoir le goûter ?

Le visage d’Azlan s’assombrit. Ses hématomes lui donnèrent un air inquiétant.

— Cela étant dit, je ne voulais pas vous offenser, monsieur, dit Giraumel.

— Le comte s’y trouve encore, je ne saurais trop vous conseiller de l’y rejoindre.

— J’y vais de ce pas, déclara Giraumel qui prit la réponse pour une demande implicite de quitter les lieux. Je vous cède l’alcôve pour la soirée.

— Faites, répondit Azlan sans comprendre l’allusion. J’attends la marquise.

— Je le comprends bien ainsi. Je vous souhaite une belle partie de plaisir.

— Plaisir ? Quel est donc ce jeu ?

— Il se joue à deux, principalement.

— Comme le jeu de paume ! Vous pratiquez ?

— La paume ?

— Le plaisir.

— Comme tout homme qui se respecte, je crois.

— Voulez-vous m’en apprendre les règles ?

— J’en laisse le soin à votre marquise, jeune damoiseau.

Azlan, qui maîtrisait parfaitement la langue française, ne percevait cependant ni les sous-entendus ni l’ironie qui pouvaient se dégager de certains propos. Cette candeur d’enfant faisait partie de son charme, mais pouvait aussi lui valoir quelques malentendus.

— Rosa n’y entend point et préfère me regarder avec monsieur Reverdy, ajouta-t-il avec une désarmante sincérité.

— Voilà une fort étonnante manière et je ne veux point en entendre plus !

Giraumel fit mine de se boucher les oreilles et sortit sans le saluer.

Azlan resta un moment interdit, sans comprendre l’effet que le jeu de paume pouvait avoir chez certains, avant de se souvenir du breuvage qu’il tenait en main, et décida d’attendre la marquise en buvant le sien.

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