La croix et le croissant by François Taillandier

La croix et le croissant by François Taillandier

Auteur:François Taillandier [Taillandier, François]
La langue: fra
Format: epub
Tags: 2016-11-23T12:33:29.952000-04:00 JF
Éditeur: Stock
Publié: 2014-08-15T04:00:00+00:00


4

Ce fut un matin. Omar s’imposait de se lever tôt. L’homme qui se lève avant tous, à l’heure où la nuit s’éclaire à peine, possède quelque chose que les autres ignorent. Et puis c’est une question de fierté : le maître, pour tenir son rang et son monde, ne doit pas dormir cependant que tout déjà s’agite. Il s’éveilla donc ce jour-là, comme d’habitude, aux premières et imperceptibles lueurs, et sa pensée fut qu’Allah était, et que Muhammad était son prophète.

La veille, il avait arraché des mains de sa sœur la tablette où était inscrite une sentence du prédicateur. Il l’avait lue, puis jetée par terre, où elle s’était brisée. Il ne se souvenait plus de ce qui était dit. Mais il savait maintenant qu’Allah était, et que Muhammad était son prophète.

Il se leva, il se promena, étonné, dans la maison encore silencieuse. Il sortit, respira les senteurs du jardin. Il voyait peu à peu se déployer l’aurore. Allah était. C’était la donnée la plus immédiate, la plus totale, la plus immense et profonde de sa vie – de la vie. Il se demanda comment il avait pu ne pas le voir et le savoir : on voit bien la porte de la maison ! L’arbre dans la cour ! Un chien qui passe !

Allah était, et Muhammad était son prophète. L’évidence s’était épandue dans un homme obscur et hostile, comme la lumière dans un caveau que l’on ouvre. Le caveau renfermait du noir, de la putréfaction, des miasmes, de la vermine. Subitement l’air change, le grand feu solaire purifie tout. Il avait été ce caveau. Il avait été une intériorité aveugle où se coulaient des reptiles hideux, où pondaient des insectes noirâtres, où flottaient des relents de déjections et de purulences. Il était maintenant pareil à une belle chambre lumineuse, où se déversent les parfums des fleurs, le chant d’une fontaine, le pépiement d’un oiseau, les rayons de l’astre.

Des jours entiers, des semaines, des années il devait demeurer étonné, étonné et heureux, de cette métamorphose dont la soudaineté même, l’imprévisibilité, montraient bien qu’une puissance surnaturelle s’était exercée. Ainsi lui étaient données du même coup la foi et la preuve. La foi par la preuve, la preuve par la foi.

Le jour même, il alla délivrer l’esclave molestée ; il lui attribua une servante, lui fit donner des vêtements et une chambre pour elle seule. Il se reprocha d’avoir espéré qu’elle montrerait de la joie et le bénirait, alors qu’elle demeura impassible. Il se contraignit à admettre qu’il avait mérité cette froideur. Il se rendit ensuite auprès de sa sœur, et implora sa bénédiction ; mais elle s’estimait indigne d’un tel geste. Alors il fit humblement demander à être reçu par le prophète lui-même.

Ce qu’ils se dirent ce jour-là, Omar se jura de n’en jamais témoigner ; on ne colporte pas les propos de l’Annonciateur, c’est à lui et à lui seul de prononcer les mots, et d’indiquer qui peut les écrire ou les redire. Mais en sortant de là il



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