Le vieil homme et la mer by Ernest Hemingway

Le vieil homme et la mer by Ernest Hemingway

Auteur:Ernest Hemingway [Hemingway, Ernest]
La langue: fra
Format: epub, mobi
Éditeur: Gallimard
Publié: 1952-01-01T05:00:00+00:00


Quand le soleil se coucha, il évoqua, afin de se redonner du courage, le jour où, dans une taverne de Casablanca, il avait joué à la « main de fer » avec un grand Nègre originaire de Cienfuegos, et qui était le type le plus fort des docks. Ils étaient restés toute la journée et toute la nuit les coudes plantés sur une marque à la craie tracée sur la table, les avant-bras dressés, leurs deux mains imbriquées l’une dans l’autre. Chacun d’eux devait faire plier le bras de l’autre et aplatir sa main sur la table. Tout le monde pariait à qui mieux mieux ; les allées et venues ne cessaient pas, à la lumière des lampes à pétrole ; il regardait tantôt le bras et la main du Nègre, tantôt son visage. Au bout de huit heures, on décida de relever les arbitres toutes les quatre heures afin qu’ils pussent dormir. Le sang perlait sous ses ongles ; il perlait de même sous les ongles du Nègre ; ils se regardaient dans le blanc des yeux ; ils se regardaient aussi leurs mains et leurs bras ; les parieurs ne cessaient d’entrer et de sortir, s’asseyaient sur les hauts tabourets placés le long des murs et contemplaient les deux hommes. Sur les cloisons en bois de la salle, qui étaient d’un bleu vif, les lampes dessinaient des ombres. L’ombre du Nègre était immense ; elle se déplaçait quand la bise balançait les lampes.

Toute la nuit, les chances se partagèrent. Lequel des deux l’emporterait ? On faisait boire du rhum au Nègre ; on lui mettait des cigarettes tout allumées dans le bec. Après chaque coup de rhum, le Nègre amorçait une poussée formidable. Une fois il réussit à faire reculer le vieux – qui n’était pas le vieux en ce temps-là, mais bien Santiago El Campeon – de cinq centimètres au moins. Mais le vieux ramena sa main exactement à la même hauteur. À cet instant il avait eu la certitude qu’il battrait le Nègre ; et pourtant c’était un beau gars et un grand sportif. Au petit jour, les parieurs insistaient pour qu’on déclarât match nul, l’arbitre incertain hochait la tête, mais le vieux banda soudain toutes ses forces. Plus bas, toujours plus bas, il força la main du Nègre à descendre vers la table, jusqu’à ce qu’elle touchât le bois. Le duel avait commencé un dimanche matin. C’est le lundi matin qu’il se termina. La plupart des parieurs voulaient qu’on déclarât match nul. Ils avaient leur travail aux docks, n’est-ce pas : charger des sacs de sucre, ou aux « charbonnages de La Havane ». Sans cela, bien sûr, ils auraient tous préféré voir la fin de l’épreuve. Quoi qu’il en soit, lui, il avait emporté la décision. Et avant que quiconque ait dû retourner au boulot.

Longtemps après ce haut fait, on l’appelait encore « Le Champion ».

Au printemps, il y eut la revanche. Toutefois les paris étaient mous. Le vieux n’eut pas à se donner beaucoup de mal pour gagner.



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