Le sang des 7 Rois - Livre six by Régis Goddyn

Auteur:Régis Goddyn [Goddyn, Régis]
La langue: fra
Format: epub
Éditeur: L'Atalante
Publié: 2015-11-19T23:00:00+00:00

CHAPITRE XVII

ORBITE

Fletcher, le pilote de l’astronef, avait inversé la poussée des moteurs une année auparavant. Quatre siècles de voyage et ils touchaient enfin au but, et quel but… une planète perdue aux antipodes de la Galaxie. Ayant considérablement ralenti, les données transmises depuis la Terre leur parvenaient maintenant plus vite, relayées par les centaines de balises qu’ils avaient semées en route.

Un si long voyage… Les premières décennies avaient tiré en longueur. De voir vieillir sur les images reçues leurs semblables tandis qu’eux ne prenaient pas une ride les avait pourtant fait rire, et encore plus lorsqu’ils mouraient. Insidieusement, la dérision fit place à l’indifférence ; les massacres, les accidents, les révolutions, rien ne les amusait plus, ce n’était plus leur univers. Le leur se réduisait désormais à l’ennui.

Durant ces siècles de voyage, l’ambiance délétère à bord avait parfaitement convenu à Fletcher, qui restait collé à Maddox. Les autres vieillissaient, bien entendu, mais on les régénérait régulièrement. Vêtus de noir, les commissaires venaient à eux et leur posaient une main sur l’épaule, et c’était fini. Rien ne servait alors de se révolter ou de fuir. Fuir pour aller où ? Se révolter contre quoi dans ce huis clos morbide ? Qu’importe pour ces hommes de blesser ou de mettre fin à une vie, seule les intéressait la matière qui les constituait. On les sanglait dans un séparateur atomique pour qu’ils renaissent dans le réacteur biomoléculaire de la pièce d’à côté. Ils se relevaient alors et retournaient au travail une fois habillés, mais ce n’était plus eux, juste quelqu’un d’autre avec leur voix, leur odeur, leurs souvenirs et dix ans de moins, l’âge qu’ils affichaient quand on les avait scannés pour la dernière fois. Ils ne se rendaient même pas compte qu’ils n’existaient plus, leurs collègues les saluaient d’une plaisanterie et tout continuait.

Malheur à qui se blessait ; une simple entorse vous menait au néant. Il n’y avait pas plus de place dans le vaisseau pour les estropiés que pour les vieillards, juste pour des corps en parfaite condition – pourquoi réparer quand on peut obtenir un modèle neuf ?

Depuis six siècles, on recevait régulièrement de la Terre en sus des nouvelles les codes des gens les plus intéressants parmi la population : grands ingénieurs, guerriers redoutables, filles de légende… Plutôt que d’engager des gens compétents, Maddox avait préféré embarquer les atomes provenant de condamnés à mort acquis frauduleusement et divisés dans ses laboratoires clandestins. Ainsi choisissait-il dans une base de données quasi infinie les gens qu’il fabriquait en fonction de ses besoins et les tuait-il ensuite pour en fabriquer d’autres, en quarante-cinq secondes et avec dix-huit milliards de dollars de matériel.

Il avait fait une exception pour Sydnée, parfaitement naturelle, qu’il avait fait enlever et embarquer de force à la barbe des douaniers, remplaçant sur Terre l’originale par un clone. Fletcher, le pilote, ne s’était pas encombré d’une compagne. Il préférait les filles à usage unique. Il les générait en fonction de ses envies pour les atomiser juste après, renvoyant leurs constituants

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