Le dernier cocher du roi by Gilles de Becdelièvre

Le dernier cocher du roi by Gilles de Becdelièvre

Auteur:Gilles de Becdelièvre [Becdelièvre, Gilles de]
La langue: fra
Format: epub
Tags: Roman historique
ISBN: 9782844786111
Éditeur: Cheminements
Publié: 2007-01-17T23:00:00+00:00


II

Le Palais-Royal,

ce 10 janvier 1792

La maison de jeu des dames de Sainte-Amaranthe se divise en deux parties : les salons de jeu et une vaste salle à manger spécialement consacrée aux soupers fins présidés par Louise (la mère). De temps à autre, elle est absente. La tenancière affectionne le théâtre. On la voit souvent occuper sa loge aux Italiens, à l’Opéra ou à la Comédie. À la belle saison, elle séjourne volontiers dans son château de Sucy-en-Brie. En ce cas, « son ange de beauté », Émilie, sa fille, la remplace avantageusement.

Le joueur occasionnel ne peut savoir qu’à l’intérieur de la maison, il existe une aile presque inaccessible, un lieu secret, celui dit « aux étages ». Comme le fait remarquer le prince de Talmont : « Après nous être délestés de nos écus, voici que l’on nous déleste de notre semence… »

« Aux étages » : un monde à part. L’endroit présente une architecture singulière. À l’entour d’une pièce centrale, circulent et s’enchevêtrent des labyrinthes de couloirs et d’escaliers. Derrière les portiques alambiqués se cachent alcôves et cabinets privés. Au fur et à mesure de son exploration, le regard, libidineux et concupiscent des galants, folâtre à la recherche d’une polissonne ou de plusieurs. Il suffit d’y mettre le prix.

Dans la pièce principale, au son d’un quatuor de violons dirigé par un mignon, les courtisanes, au bel organe, chantent des poèmes gaillards. Depuis les labyrinthes, leurs compagnes glissent aux oreilles de ces messieurs les mots qui aiguisent leur appétit. Chaque alcôve, sorte de temple baroque, est abordée tel un sanctuaire. Alanguies à l’autel du paganisme, sur le velours de leurs canapés, les courtisanes prennent des poses lascives, de celles qui excitent les sens du prince, au point de déclarer « que ces femmes s’immolent au dieu Éros… ». Pas forcément belles mais toujours parées, parfois vaines mais souvent nobles, elles s’apparentent à des divinités.

Des noms prestigieux de la noblesse, pervertis par une débauche effrénée, décatis par l’âge ou gâtés par trop de ripailles, sollicitent leurs faveurs. Barbons et libertins se tiennent aux pieds de ces égarées qui sont, en réalité, des filles de joie. Le prince de Talmont est de ceux-ci, bien qu’il s’en défende.

— Une courtisane est une femme qui accepte de montrer ses charmes moyennant finance.

Après un temps de réflexion, il complète.

— Quitte à ce qu’elle se partage entre plusieurs partenaires !

— Que me dites-vous là, sauf confirmer qu’il s’agit d’une prostituée ?

— Non ! À la différence que la courtisane choisit ses clients. Rien de comparable à ces filles des rues qui se contentent d’écarter la cuisse quand l’envie s’en fait sentir. La courtisane a sa part d’intelligence et d’esprit…

— Ah ! Des femmes de lettres à présent !

— Oui, un peu de cela… Certes, elles se livrent aux plaisirs charnels mais leur discours amoureux est important. Voilà qui n’est pas à la portée de tout le monde.

Je bats ma coulpe.

— C’est vous, l’expert !

Après la journée passée chez les Sainte-Amaranthe, je crois utile de venir rechercher le prince.



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