De la terre dans la bouche by Estelle Tharreau

Auteur:Estelle Tharreau [Tharreau, Estelle]
La langue: fra
Format: epub
Tags: Thriller
ISBN: 9782372580397
Éditeur: Taurnada Éditions
Publié: 2018-01-18T05:00:00+00:00

18

Le visage de bois renvoyait une impression dérangeante avec ses peintures débordant sur des traits grossièrement sculptés. Le sourire de ce Guignol paraissait être une plaie béante et ses yeux charbonneux, un trou noir vers le néant. Elsa détestait cette tête qu’elle allait devoir néanmoins restaurer. La veille et toute la matinée, elle avait réparé le costume mais elle ne pouvait retarder plus longtemps. Cet après-midi, elle devrait s’attacher à cette figure laide et malsaine.

Plusieurs bruits de moteurs la poussèrent à regarder par la fenêtre. Elle vit Georges Prévalin ouvrir la portière d’un autre véhicule duquel sortirent deux femmes assez âgées. Le groupe se dirigea vers La Braconne. Elsa quitta précipitamment son poste d’observation, le cœur battant, l’esprit bouillonnant.

Georges inspira pour se donner du courage sous les regards soucieux et compatissants de ses accompagnatrices. Il frappa. Elsa ouvrit et les deux femmes eurent le même mouvement de stupeur. Georges comprit leur réaction. Lui-même osait à peine contempler le fantôme de Rose.

« Bonsoir, Mademoiselle ! fit-il doucement. Pouvons-nous entrer et vous parler ? »

Elsa acquiesça et s’empressa de faire de la place dans le salon sous le regard réprobateur de Georges. Elsa avait profané le sanctuaire. Le vieil homme n’aimait pas cela. Cela se voyait ! Cela se sentait !

« Vous voulez me parler de ma grand-mère, je suppose ?

– Oui ! répondit Georges. Mais pas uniquement ! Je vous présente Simone Fatre et sa sœur Clothilde Menot. Je vous demande juste d’écouter leur histoire.

– Encore des révélations ! fit ironiquement la jeune femme.

– Non ! Je ne pense pas vu le nombre de personnes que vous avez déjà questionnées, rétorqua-t-il d’un ton glacial. Mais vous devez comprendre les dégâts que vous provoquez en fouillant dans le passé des gens. »

Elsa ouvrit la bouche pour répliquer, mais Simone, une femme d’une cinquantaine d’années, la plus jeune des deux, lui adressa un sourire et l’empêcha de poursuivre.

« Nous souhaitons seulement vous donner notre version. Que vous compreniez ce que nous avons vécu et pourquoi nous ne voulons plus que ce passé ressurgisse ou soit remis en cause par des personnes telles que Jeanne.

– Ou telles que ma grand-mère !

– Je n’ai parlé que de Jeanne !

– Et qui vous dit que Jeanne s’est confiée ?

– Vous ne voulez vraiment pas nous inviter à nous asseoir et à nous accorder quelques minutes ? » répliqua Simone d’un ton affable.

Elsa se tut et s’exécuta.

« Ma première maîtresse fut votre grand-mère ! J’avais quatre ans et j’étais hypnotisée par cette belle jeune femme. Elle avait une sorte d’élégance dont je n’avais pas l’habitude à la maison et dans le village. Un je-ne-sais-quoi. Elle n’avait pas plus les moyens que nous, voire moins, mais elle était toujours coquette et distinguée. Elle avait ce truc qui la faisait sortir du lot. La seconde chose qui reste gravée dans ma mémoire est sa tendresse. Elle essayait de nous réconforter en nous faisant rire, de nous faire fuir notre quotidien à travers ce qu’elle nous enseignait et surtout, elle nous laissait pleurer dans ses bras en nous berçant.

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