Cette crédille qui nous ronge by Wagner Roland C

Cette crédille qui nous ronge by Wagner Roland C

Auteur:Wagner, Roland C. [Wagner, Roland C.]
La langue: fra
Format: epub
Tags: s f
ISBN: 9782366290028
Google: CeiQAQAAQBAJ
Éditeur: Fleuve noir
Publié: 2012-02-02T23:00:00+00:00


CHAPITRE V

Le gouverneur avait mis à ma disposition un petit appareil à réaction garni d'un pilote expérimenté. Le Parc de l'Ossature se trouvant à quelque chose comme quatre mille kilomètres de Montmartre, le voyage promettait de durer un bon moment. Je tentai bien d'engager la conversation avec mon compagnon de vol, mais celui-ci n'était visiblement pas du genre bavard. Je parvins tout juste à lui arracher quelques acquiescements, en insistant énergiquement.

Puisqu'il désirait avoir la paix, autant en profiter pour me livrer à une petite introspection émotionnelle. Suivant la méthode de Sri van Vogt, la plus efficace à mon goût. Que s'était-il passé en moi depuis mon arrivée sur Océan? En quoi avais-je changé? Pourquoi n'avais-je même pas essayé se séduire Zoé?

Mon regard tomba sur la prothèse méc. Il me venait une idée, franchement désagréable.

Mon bras n'avait pas été altéré par l'hibernation; « on » m'avait sectionné dans le seul but de m'adjoindre ce membre de métal.

Tu deviens paranoïaque, m'admonestai-je.

Et pourtant... Une foule de détails me revenaient en mémoire. Dès le début, je n'avais été qu'un pion. On m'avait enfermé dans une caisse de plastique blanc, sans rien me dire. Je savais que j'accompagnais Son Excellence sur Océan, voilà tout. Quand j'avais recouvré mes sens, quinze ans plus tard, mon bras droit était remplacé par une prothèse méc et l'ambassadeur était mort. Ill revenait bredouille d'une partie de chasse, quand il avait aperçu un crapaud des avalanches. Sourd aux avertissements des autres chassetueurs, il avait fait feu sur l'animal, dont le terrible cri d'agonie avait déclenché une splendide avalanche, histoire de mériter une dernière fois son nom.

C'était ce souvenir que j'avais revécu deux nuits plus tôt, quand je me tournais et me retournais dans mon lit sans parvenir à trouver le sommeil.

Une partie de chasse... Avec qui?

On me l'avait dit, on me l'avait sûrement dit.

Sinon, j'aurais posé la question. La mort de Son Excellence était suspecte. Suspecte.

Je réalisai que, depuis mon réveil jusqu'à cet instant, j'avais souffert d'engourdissement mental. Mes facultés étaient atténuées, amoindries, bridées. Je perdais la mémoire, mes idées se brouillaient. En me rendant à moimême, la bonne vieille technique de mon guru préféré m'en faisait soudain prendre conscience.

Mais déjà, la brume de l'hébétude revenait engluer mes neurones. Je voulus la chasser; même Sri Van Vogt ne pouvait rien contre cet alanguissement dont l'origine ne me paraissait plus aussi importante qu'un moment plus tôt.

J'étais en train de me faire avoir.

À la seule différence que, maintenant, je le savais.

Je rouvris les yeux, couvert de sueur.

L'avion avait entamé sa descente vers la préfecture du Pays de Glank, Damier, dont les rues tracées au cordeau, qui se coupaient à angle droit, expliquaient sans peine le nom. Il s'agissait de notre seule escale, rendue nécessaire par la faible contenance des réservoirs de l'appareil ; contrairement à la plupart des véhicules océaniens, celui-ci fonctionnait avec un liquide dérivé du pétrole — une denrée rare sur nous volerions d'une traite jusqu'au Parc de l'Ossature.

Nous repartîmes vers le nord une heure plus tard. En amont de



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