Un rire d’ailleurs by Élise Fischer

Un rire d’ailleurs by Élise Fischer

Auteur:Élise Fischer
La langue: fra
Format: epub
Éditeur: Fayard
Publié: 2008-10-01T00:00:00+00:00


Chapitre 11

Veritas odium parit.

La petite garce ! Elle nous aura tout fait ! Je pourrais m’exprimer ainsi si j’empruntais le vocabulaire de notre mère quand elle découvrait les vilains tours que pouvait lui jouer Lou. Anna se signait, se tordait les mains. Elle se lamentait, se demandait ce qu’elle avait bien pu faire à Dieu pour être punie de la sorte.

J’ai soixante-quatre ans et je découvre dans la lettre de Lou des événements fort troublants. Pourquoi a-t-elle éprouvé le besoin de se confesser ? Avait-elle besoin d’un pardon ? Ou voulait-elle seulement que je découvre réellement la cause d’une histoire inaccomplie, au risque de me faire souffrir? Ma tête est bien petite, j’y tourne et retourne le sujet en tous sens. Mes pensées tourbillonnent, se heurtent. Je ne puis ni les chasser, ni me raisonner. Ce qui est d’uneconsternante stupidité. L'âge a-t-il une influence quelconque sur les sentiments ? Les années ajoutent-elles la sérénité dans ce domaine ? Pas vraiment. Je constate qu’il suffit de si peu pour ressusciter une émotion. Une joie comme un chagrin. Les sentiments qui ont accompagné ma jeunesse me reviennent souvent et provoquent les mêmes élans qu’autrefois. La maladie rendrait-elle fragile ? J’ai l’impression que les sentiments gardent à jamais une part d’innocence fougueuse. Je dois m’obliger au calme pour ne pas laisser une houle de colère me submerger. Cette confession de Lou réveille nos querelles de gamines. Du calme, je veux relativiser. Je ferme les yeux un instant, soupire. La lassitude prend le pas sur la fâcherie. Cette colère est vaine. Lou est morte depuis près de vingt-cinq ans. Si elle s’est mise en travers d’une histoire d’amour, je découvre chez elle bien autre chose de plus important. N’a-t-elle pas réussi à lever le voile sur le calvaire qui fut le sien avec ses enfants et avec Thibault ? Il me faut être honnête, je pressentais bien que tout n’était pas rose chez Lou et Thibault. Lou savait toujours donner le change. Aurais-je eu ce courage-là ? Celui de balayer d’un battement de cils ou d’un revers de main ce qui pouvait fâcher ? Elle usaitde son charme pour offrir une petite moue drôle et presque puérile à son public.

– C'est la vie, c'est la vie… Cherchons d'abord ce qui va bien, disait-elle en chantonnant de sa voix cristalline.

C'est ainsi qu'elle a tenu au-delà des limites du possible.

Marc-Antoine vit près de Bordeaux. Aujourd’hui, il a un travail dans un centre d’équitation où il est logé. Il s’occupe des espaces fleuris. Les premiers temps qui ont suivi la mort de Lou, Thibault a donné des nouvelles. Puis il les a espacées jusqu’à cesser toute correspondance et toute visite. Sans doute n’avons-nous pas été assez proches de lui. Il se voulait rassurant dès que nous faisions un pas dans sa direction.

– Je me débrouille, ne vous inquiétez pas. Vous avez été si gentils, je n’oublierai jamais. Vous êtes des gens très bien…

Mais que s’était-il imaginé, ce redede ? Que les gens simples vivant à la campagne



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