Sweet chaos by Meryem Alaoui

Auteur:Meryem Alaoui [Alaoui, Meryem]
La langue: fra
Format: epub
Tags: Littérature marocaine, Roman
Éditeur: Gallimard
Publié: 2023-04-15T00:00:00+00:00

— Je ne l’ai pas vue venir celle-là… Deux jours. J’ai passé deux jours à l’appeler. Rien. Le vide, dit Jolene, incrédule.

Jolene et Maggie sont dans la chambre de la première. Une pluie de printemps goutte lentement dehors. Dans une semi-obscurité, elles viennent d’éteindre un joint. Coudes au genoux, Jolene souffle, regard vers ses orteils. Tramp, qui ronfle sous la table basse, est chez elle depuis deux jours. Maggie est préoccupée. Les emmerdes de sa copine, même quand elle n’en connaît pas encore l’exacte teneur, sont un peu les siennes.

— Maintenant, je vais devoir me taper Fred et ses remarques. Pas à moitié aussi bon que moi mais il ne va pas se gêner pour se la jouer. Putain ! Fait chier, cette Clara ! Fait chier.

Jolene ajoute :

— Bon, c’est triste, c’est clair. Le problème, c’est que depuis le temps qu’elle fait des histoires, à un moment, on finit par s’habituer, tu vois ?

Maggie voit, oui, mais là ça ne sert à rien de le dire. Jolene se remémore les événements autant pour les rapporter que pour voir à quel moment elle a failli :

— Elle me l’a laissé vendredi, fait Jolene en montrant Tramp du menton. Elle m’a dit qu’elle allait prendre un brunch et revenir. En fin d’après-midi, elle n’était toujours pas rentrée. Je l’ai appelée mais ça sonnait dans le vide. J’ai rappelé plusieurs fois dans la soirée mais ça ne prenait toujours pas. Du coup, je suis montée et j’ai demandé aux filles si elles n’avaient pas de nouvelles.

— …

— Bon, pour dire la vérité, à ce moment, ce qui m’a fait monter, c’est la bouffe du chien. Je n’en avais plus et tu sais à quel point les poches sont sèches en ce moment.

— Ah ça oui, disent les sourcils de Maggie qui souffre du même mal.

— Il devait être vingt et une heures, ou un truc comme ça. C’était juste avant qu’on aille au Farrell’s. Tu te souviens, je te l’ai dit que je cherchais Clara, ce soir-là, non ? Quoi qu’il en soit… Quand je suis montée chez les filles, je suis allée tout droit dans le salon. Jennie et Rebecca y étaient. Jennie inspectait son vernis et ce qui restait de Rebecca flottait entre son casque et son écran. En gros, il n’y avait personne. Vous avez vu Clara ? Non, elles m’ont dit. L’une d’elles, je ne saurais dire laquelle, m’a dit d’essayer la porte de sa chambre, peut-être qu’elle était rentrée. J’y suis allée. Toctoctoc-toctoc. Rien. Donc, je me suis dit : pas de réponse, pas de croquettes, allez, c’est l’heure du Farrell’s.

Jolene s’interrompt pour réfléchir.

— Évidemment, à ce stade je ne me suis pas inquiétée. Si je devais couvrir les poteaux d’avis de recherche chaque fois que Clara ne pointe pas, je ne ferais rien d’autre de ma vie. On ne change pas les gens, hein ?

— Ah ça non, fait Maggie.

— Quand on est rentrées du Farrell’s et que tu m’as laissée ici, j’ai essayé de l’appeler une dernière fois mais son téléphone était coupé.

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