Un jour de plaisir by Singer Isaac Bashevis

Un jour de plaisir by Singer Isaac Bashevis

Auteur:Singer, Isaac Bashevis [Singer, Isaac Bashevis]
La langue: fra
Format: epub
Tags: S, Autobiographie
ISBN: 9782010152191
Éditeur: Stock
Publié: 1979-01-01T05:31:32+00:00


Les mystères

de la kabbale

Rue Krochmalna, tout le monde nous connaissait. Chaque jour nous nous y promenions pendant des heures, mon ami Mendel et moi, ma main sur son épaule, sa main sur mon épaule. Nous étions si absorbés par les histoires que nous nous racontions que nous heurtions en marchant les paniers de fruits et de légumes des vendeurs en plein air qui nous criaient : « Vous êtes aveugles ou quoi, petits idiots ! » J’avais à peu près dix ans. Mendel en avait déjà onze. J’étais maigre, j’avais la peau très blanche, les yeux bleus et les cheveux d’un roux ardent. Mes papillotes voltigeaient tout le temps, comme agitées par le vent. Mon caftan n’était jamais complètement boutonné et mes poches étaient gonflées de livres d’histoires que je louais pour un sou les deux. Non seulement je pouvais lire une page du Talmud tout seul, mais j’essayais aussi de déchiffrer les volumes de la kabbale qui étaient dans la bibliothèque de mon père – sans y comprendre grand-chose d’ailleurs. Sur les pages de garde, je dessinais avec mes crayons de couleur des anges à six ailes, des animaux à deux têtes avec des yeux sur la queue et des démons cornus aux pieds fourchus. Le soir, j’allais sur notre balcon, je contemplais le ciel clouté d’étoiles et je me demandais ce qu’il y avait eu à sa place avant la création du monde. À la maison, tout le monde disait qu’en grandissant je deviendrais un philosophe fou, comme ce professeur allemand qui avait médité pendant des années avant d’en arriver à la conclusion qu’un homme doit marcher la tête en bas et les pieds en l’air.

Mon ami Mendel était le fils d’un charbonnier. Toutes les trois ou quatre semaines son père nous livrait un gros panier rempli de charbon pour le fourneau et ma mère lui donnait un kopeck. Mendel était plus grand que moi. Brun comme un tzigane, il avait les cheveux si noirs qu’ils en prenaient un reflet bleuté. Il avait un petit nez, une fossette au milieu du menton et des yeux fendus comme ceux d’un Tartare. Il portait un caftan usé jusqu’à la corde et des bottes éculées. Sa famille vivait dans une seule pièce au 13, rue Krochmalna. Sa mère qui était borgne vendait de la vaisselle sur les marchés.

Nous avions tous les deux la même passion : inventer des histoires. Nous ne nous fatiguions jamais d’écouter nos élucubrations mutuelles. Ce soir d’été-là, alors que nous passions à la hauteur du marché Yanash, Mendel s’arrêta. Il avait un secret à me révéler : son père n’était pas réellement charbonnier. Il faisait semblant de l’être. En réalité, il était plus riche que n’importe quel Rothschild. Sa famille possédait un palais dans une forêt et un château au bord de la mer, rempli d’or, d’argent et de diamants. Je demandai à Mendel comment son père avait pu devenir si riche et il me dit :

« Jure sur tes franges que tu ne le répéteras à personne.



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