Train de nuit pour Babylone by Ray Bradbury

Train de nuit pour Babylone by Ray Bradbury

Auteur:Ray Bradbury [Bradbury, Ray]
La langue: fra
Format: epub
Tags: Science-Fiction, Nouvelle(s), Littérature américaine
Éditeur: Denoël
Publié: 1997-01-31T23:00:00+00:00


Quelqu’un sous la pluie

Tout était presque comme avant. Il avait déposé les bagages luisants de gouttes de pluie dans le cottage humide et plein d’échos, puis bâché la voiture encore chaude et odorante après avoir couvert les trois cents kilomètres qui séparaient Chicago du Wisconsin. À présent, il avait le temps de réfléchir. Il avait eu beaucoup de chance de pouvoir louer ce chalet, celui-là même que ses parents, son frère Skip et lui-même avaient occupé vingt ans plus tôt, en 1927. À l’oreille, la maison n’avait pas changé du tout : la voix, les pas y rendaient un son caverneux. Encore qu’il eût décidé de marcher pieds nus ; pourquoi ? Peut-être parce que la sensation lui plaisait, tout simplement. Il s’assit sur le lit en fermant les yeux et écouta la pluie marteler le toit mince. Il fallait tenir compte de beaucoup de choses. Premièrement, les arbres étaient plus gros. Quand il avait regardé par la vitre ruisselante de la voiture, à travers le rideau de pluie, il avait vu se profiler au loin le panneau « Lake Lawn », et il avait bien senti que quelque chose avait changé ; mais ce fut plus tard seulement, en écoutant le vent, qu’il comprit : les arbres, bien sûr ! Vingt années à pousser, à se parer d’un feuillage luxuriant ! Et puis, il y avait l’herbe. Quelqu’un de pointilleux aurait prétendu que c’était la même qu’à l’époque où il s’allongeait à même le sol après avoir plongé dans le lac, en sentant son maillot de bain tout froid contre ses reins et sa maigre poitrine d’enfant. Il se demanda distraitement si les toilettes publiques avaient toujours la même odeur de cuivre, de désinfectant, de vieux messieurs piétinants et maladroits, et pour finir de savon.

La pluie s’était arrêtée. Elle ne fit bientôt plus que tapoter occasionnellement la maison à mesure qu’au-dessus d’elle s’égouttaient les arbres délavés. Le ciel affichait sa couleur de poudre à canon et dégageait la même sensation d’attente. De temps en temps, il craquait et se fendait en deux ; alors il devenait pure lumière et la fissure se réparait.

Linda se trouvait aux toilettes qui étaient à quelques pas de course, entre les arbres et les fourrés d’un côté, et le groupe de petits cottages blancs de l’autre – une course entre les flaques, vu les circonstances, songea-t-il, et le long de buissons qui, au passage, ressemblaient à des chiens dérangés en sursaut et vous aspergeaient de pluie fraîche et odorante. Il se félicita qu’elle soit quelques instants absente. Il devait se mettre en quête d’un certain nombre de choses. D’abord, l’initiale qu’il avait gravée sur l’appui de la fenêtre, quinze ans plus tôt, lors de leur dernier séjour ici, à la fin de l’été 1932. Jamais il ne l’aurait fait devant autrui. Mais puisqu’il était seul, il alla à la fenêtre et passa sa main sur la surface du bois. Elle était parfaitement lisse.

J’ai dû me tromper de fenêtre, se dit-il. Mais non. C’était bien cette pièce-ci.



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