Bingo Palace by Louise Erdrich

Bingo Palace by Louise Erdrich

Auteur:Louise Erdrich [Erdrich, Louise]
La langue: fra
Format: epub
Tags: Roman, Fantastique, Amérindiens, États-Unis, Littérature américaine
Éditeur: Robert Laffont
Publié: 2022-03-31T13:24:45+00:00


12

La chance de Fleur

La quatrième et dernière fois qu’elle revint à la réserve, fleur Pillager était entièrement vêtue de blanc. Son tailleur épaulé, pincé à la taille, resplendissait au soleil du printemps. Elle se mouvait dans un rayonnement, une armure de lumière nouveaux. Elle portait des gants et des talons hauts immaculés. Son chapeau à rebord étroit était complété d’une voilette mouchetée qui masquait son visage. Ceux d’entre nous qui osaient l’observer voyaient que ses nattes s’étaient épaissies comme des queues et pendaient le long de son dos, nouées ensemble par une bande d’étoffe rouge. Les plus âgés se renfrognèrent en apprenant ce détail, car ils se rappelaient comment autrefois les guerriers nouaient leur chevelure en arrière quand ils s’apprêtaient à rencontrer l’ennemi.

La voiture de fleur était également blanche, une grosse Pierce-Arrow immatriculée dans le Minnesota. À l’intérieur, boudant sur le siège du passager, un gamin portait inlassablement la main à sa bouche sans cesser de mastiquer, tirant méthodiquement des fils de réglisse d’un sachet rayé rouge et blanc qu’il avait réclamé au magasin.

Tout le monde la connaissait sans la connaître. Aucun cri de bienvenue, aucune main amicale, aucun sourire ne l’accueillait. Personne ne caressait les cheveux de fleur de part et d’autre de son front en disant : Ma fille, comme tu nous as manqué. Peendigaen. Assieds-toi et mange cette bonne soupe. Nul ne lui offrait de pain ni de thé. Seuls les cancaniers vigilants se hâtaient d’échafauder des histoires, se précipitaient pour s’étonner du tailleur blanc de coupe étrangère, de la voiture de luxe, du garçon.

On racontait qu’il avait serré ses réglisses dans son poing, dans le magasin, et qu’il les avait mangées en dévisageant fixement les filles Migwans, qui suivaient des yeux chaque mince ruban noir. Hypnotisées par ces sucreries, salivant de convoitise, elles finirent par déglutir et baisser les yeux, tandis qu’il continuait à manger, les yeux fixés sur elles sans la moindre curiosité.

De même que ses vêtements, son chapeau, son sac et sa voiture, le garçon était également blanc. Aucune trace, les vieilles dames penchées sur la question étaient d’accord, aucune trace, aucun signe de fleur Pillager en lui. Peut-être l’enfant, fils d’un riche zhaginash, lui était-il simplement confié, peut-être était-elle – il n’existait pas de mot pour cette description, mais il fut prestement inventé – « nourrice d’occasion ».

Pourtant, la voiture et les vêtements ne laissaient pas d’être troublants. Volés, peut-être, bien que la Pillager parût se comporter en propriétaire. Mais, après tout, elle avait toujours agi comme si tout et rien lui eût appartenu : le ciel, la terre, ceux qui croisaient son chemin, sa route, et le territoire des Pillager. C’était parce qu’elle était en possession d’elle-même, disait-on, parce qu’elle était une femme à quatre âmes. De même que sa grand-mère, fleur Pillager possédait plus d’âmes qu’elle n’en avait le droit. Ce n’était pas bien. Maintenant encore, qui sait combien il lui en restait à utiliser ? Elle ne pouvait pas être tuée, le fait était désormais prouvé une fois de plus. Car voici qu’elle reparaissait, présence que la raison ne pouvait justifier.



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