Vers la mère by Lorena Salazar

Vers la mère by Lorena Salazar

Auteur:Lorena Salazar [Salazar, Lorena]
La langue: fra
Format: epub
Tags: Roman, Colombie, Guérilla(s), Drame, Littérature colombienne
Éditeur: Grasset
Publié: 2022-12-09T08:42:25+00:00


Des oiseaux de paradis. Ce sont les seules fleurs que nous avons trouvées pour le rituel. Avant de préparer le corps de Rossy, le sage dit qu’il faut également des fleurs blanches. Les religieuses font non de la tête. Il est neuf heures du soir, personne n’aura le temps de s’aventurer dans la jungle pour aller en chercher.

— Je peux en fabriquer avec du tissu, proposé-je.

— Il n’y a rien de blanc ici : les draps sont bleus, la nappe est jaune, les fenêtres n’ont pas de rideaux, fait remarquer Carmen Emilia.

— Ma chasuble est blanche, ça pourrait faire l’affaire ? dit une des bonnes sœurs.

J’étale l’habit sur un des lits de la plus grande chambre, où l’enfant s’est endormi il y a un moment. Je suppose que nous allons passer la nuit ici. Il y a deux autres couchages, un lit superposé, un ventilateur à hélices auquel il manque la protection sur une table de chevet, une console avec une Vierge que je ne connais pas, le fleuve en noir et blanc dans un cadre de taille moyenne. Un voile rose cache une étagère en bois contenant des draps et des serviettes-éponge. Tout est vieux, usé mais propre. Le scarabée qui est entré par la fenêtre quelques instants auparavant danse autour de la seule ampoule de la pièce. Petit, il profite du silence pour nous donner un concert de coups idiots et irréguliers contre le plafond.

Carmen Emilia ne m’aide pas, elle m’assiste. Je coupe les patrons de mémoire, confectionne des œillets, mes fleurs préférées. J’ai acheté un jour un livre sur les fleurs et les plantes médicinales où j’ai lu que certaines variétés d’œillets sont comestibles, font baisser la fièvre, et qu’autrefois on s’envoyait des messages secrets en les cachant dans leurs pétales. Moi je les aime parce qu’ils sont simples, délestés du poids de la beauté des roses. Les gens les apprécient pour leur prix modique. C’est la fleur que je vends le plus.

Je fais des trous partout dans la chasuble, coupée dans un tissu doux qui sent le renfermé, la religieuse. Les petits boutons blancs tiennent dans une corbeille que j’ai trouvée sous le lit. Carmen Emilia sort de son sac du parfum qu’elle vaporise sur les fleurs en disant que, maintenant, elles sont vraies. Elles sentent comme les femmes du Chocó.

Nous retournons dans le salon à onze heures précises. Vêtu de blanc, le corps de Rossy repose sur la natte, entouré de cierges. Mary prend la corbeille sans un mot et répartit les œillets sur le corps de sa sœur, le décore comme le ferait de manière arbitraire une petite fille ayant décidé d’habiller ses poupées. Une des nonnes lui explique qu’il ne faut pas en mettre sur la bouche, la poitrine ou le ventre, mais autour du corps. Mary ignore sa remarque, Rossy est sa jumelle. Encore tout tremblant, Amable obéit au sage et dépose un Christ en bois près de la morte. Il écrit « Rossy » sur un bout de papier et le tend à Mary pour qu’elle le place où elle le souhaite.



Télécharger



Déni de responsabilité:
Ce site ne stocke aucun fichier sur son serveur. Nous ne faisons qu'indexer et lier au contenu fourni par d'autres sites. Veuillez contacter les fournisseurs de contenu pour supprimer le contenu des droits d'auteur, le cas échéant, et nous envoyer un courrier électronique. Nous supprimerons immédiatement les liens ou contenus pertinents.