Toutes les couleurs des ténèbres by Robinson

Toutes les couleurs des ténèbres by Robinson

Auteur:Robinson
La langue: fra
Format: epub
Éditeur: Albin Michel


Banks retrouva Sophia dans leur bar à vins préféré, sur King’s Road, juste après vingt heures. C’était toujours bondé à cette heure-là mais ils réussirent à dénicher deux tabourets au bar. Banks ne pouvait venir là sans se rappeler leur première soirée. Le bar d’Eastvale était un peu plus petit et moins sélect, bien sûr, sa carte des vins n’était peut-être pas aussi étoffée et faisait sans aucun doute moins mal au porte-monnaie, mais l’ambiance était comparable : un comptoir noir et arrondi, des bouteilles sur des présentoirs en verre contre un miroir éclairé, derrière la zone de travail, un éclairage tamisé, des bougies flottant parmi des pétales de fleurs sur les tables rondes, des sièges chromés à l’assise capitonnée.

Cette nuit-là, il n’avait pu s’arracher à la contemplation du visage animé de Sophia au cours de la conversation et, sans savoir comment, il avait tout oublié pour sortir de sa réserve naturelle, prendre sa main par-dessus la table, sans arrière-pensée, tout hypnotisé qu’il était par ses yeux noirs, sa voix, ses lèvres, les reflets de la flamme tremblotante de la bougie sur sa peau satinée… Ce moment-là, il ne l’oublierait jamais, même s’il ignorait ce que leur réservait l’avenir. Rien que d’y penser, une boule se forma dans sa gorge alors même qu’ils étaient assis côte à côte, et non pas face à face, dans ce lieu où l’on s’entendait à peine et où la musique qui passait n’était de toute façon pas You’re Gonna Make Me Lonesome When You Go, chanté par Madeleine Peyroux.

– C’était atroce ! disait Sophia, finissant de raconter une interview qu’elle avait produite cet après-midi-là. D’habitude, la plupart des auteurs de polars sont sympas, mais lui… imbuvable ! Ignorant les questions, pontifiant sur la littérature nombriliste et se plaignant de ne pas avoir été nominé pour le Man Booker Prize. Et si on lui rappelait qu’il écrivait des romans policiers, le voilà qui montait sur ses grands chevaux et devenait apoplectique ! Et il n’arrêtait pas de lâcher des grossièretés. Quant à l’odeur… Le pauvre Christ, l’interviewer, était coincé dans ce petit studio avec lui…

– Qu’avez-vous fait ? dit Banks en riant.

– Eh bien, disons que le technicien est un ami à moi, et Dieu merci, ce n’était pas du direct, répondit-elle avec un sourire espiègle. Et à la radio, on ne sent pas les odeurs corporelles…

Elle avala une bonne gorgée de Rioja et se tapota la poitrine. Son visage était un peu congestionné, comme souvent quand elle était échauffée et elle lui donna une petite bourrade.

– Et maintenant, raconte-moi ta journée, monsieur le Super Espion.

Il mit un doigt sur ses lèvres.

– Chut ! dit-il en jetant un regard au barman. « Les murs ont des oreilles… »

– Tu crois que le Rioja est sur écoute ? chuchota-t-elle.

– Possible. Après ce qui s’est passé aujourd’hui, plus rien ne m’étonnerait.

– Que s’est-il passé aujourd’hui ?

– Oh, rien. Ou si peu…

– Aurai-je le plaisir de te voir pendant ton séjour, ou vas-tu te fondre dans les ténèbres ?

– J’espère que oui.



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