Tous les hommes en sont fous by Jean d'Ormesson

Tous les hommes en sont fous by Jean d'Ormesson

Auteur:Jean d'Ormesson [d'Ormesson, Jean]
La langue: fra
Format: epub
Tags: Roman
ISBN: 9782709605083
Éditeur: J.C. Lattès
Publié: 1986-05-19T22:00:00+00:00


Souvenir, souvenir, que me veux-tu ? L’automne…

L’automne, de nouveau, s’est installé à San Miniato. Le ciel est encore d’une limpidité merveilleuse, plus transparent peut-être qu’au travers des brumes tremblantes du printemps et de l’été. Mais les jours raccourcissent. Les nuits deviennent plus fraîches. Elles sont peuplées, sous la lampe où j’écris ces souvenirs, de tous les fantômes du passé. Dans ma solitude volontaire, les images des quatre sœurs, serrées de près par les quatre frères, tourbillonnent autour de moi.

Je revis ces années à jamais disparues où chacun se demandait si la tempête annoncée allait se lever pour de bon sur une Europe prise d’effroi et où je suivais, d’un peu loin, les aventures d’une jeune fille blonde, plus importante à mes yeux que Munich ou Guernica. Je me rappelle des visages – et le sien – des plaisirs, des chagrins, des rencontres, des séparations. Je revois Pandora en train de partir pour l’Amérique. Jusqu’au dernier moment, je m’étais persuadé – ou peut-être j’ai espéré – qu’elle allait rompre ses fiançailles. Quelques semaines après le bal de Glangowness, mais avant, si je me souviens bien, la séance de cinéma des intellectuels antifascistes, Pandora était venue à Paris pour assister à des collections et s’acheter deux ou trois robes. Elle était suivie de miss Prism, chargée par l’humour britannique de veiller sur sa vertu. Je l’avais accompagnée chez Worth, chez Mlle Chanel, qui ne sortait pas encore avec le duc de Westminster, chez Lanvin, chez le capitaine Molyneux, nous étions allés ensemble au théâtre et au cinéma voir Annabella, Edwige Feuillère et Victor Francen, nous nous étions promenés sur les bords de la Seine. Deux ou trois fois, Pandora avait été invitée à des déjeuners ou à des dîners plus ou moins officiels – par l’ambassadeur d’Angleterre, qui était un ami de Brian, par les Mortemart, qui revenaient d’une chasse aux grouses à Glangowness, par mon propre grand-père, de passage à Paris – mais la plupart du temps nous déjeunions et dînions tous les deux dans un de ces bistrots de la rive gauche que Pandora adorait.

— Nous pourrions retourner chez Larue ? proposais-je en souriant.

— Merci beaucoup, répondait Pandora. Une fois suffit.

— Dis-moi, demandais-je, est-ce que tu étais très malheureuse ?

— Plutôt abrutie, disait Pandora. C’est ça : abrutie. J’avais surtout envie de dormir. Tu sais…, depuis Venise, j’avais assez peu dormi.

— Mais explique-moi : Simon…

— Quoi, Simon ?

— Je me suis souvent dit qu’à Capri j’avais parlé avec Simon beaucoup plus qu’avec toi. Je ne t’ai même jamais demandé si tu tenais à Simon.

— Tu veux le savoir ?

— Eh bien…, je vais te dire : tout à coup, pas vraiment.

— Tu vas le savoir tout de même : j’aimais beaucoup faire l’amour avec lui.

— Ah ! bon. Et ça dure, ce goût-là ?

— Pas très longtemps. Ça s’oublie.

— Et Thomas ?… C’est la même chose ?

— Je ne sais pas…

— Comment ! tu ne sais pas… Mais tu l’épouses !

— Justement. Je l’épouse. Je ne sais pas encore. On verra bien.



Télécharger



Déni de responsabilité:
Ce site ne stocke aucun fichier sur son serveur. Nous ne faisons qu'indexer et lier au contenu fourni par d'autres sites. Veuillez contacter les fournisseurs de contenu pour supprimer le contenu des droits d'auteur, le cas échéant, et nous envoyer un courrier électronique. Nous supprimerons immédiatement les liens ou contenus pertinents.