Thomas Mann by Les Buddenbrook

Thomas Mann by Les Buddenbrook

Auteur:Les Buddenbrook [Buddenbrook, Les]
La langue: fra
Format: epub
Éditeur: Le Livre de Poche
Publié: 1992-10-07T03:00:00+00:00


CHAPITRE X

Aussitôt après le déjeuner, Tony s’était retirée dans sa chambre. Pendant le repas, Mme Buddenbrook lui avait confirmé que Thomas était averti de son arrivée… Elle ne paraissait pas particulièrement désireuse de le rencontrer. À six heures de l’après-midi, le consul monta. Il se rendit dans le salon aux paysages, où il eut avec sa mère une longue conversation :

— Comment est-elle ? questionna-t-il. Comment se comporte-t-elle ?

— Ah ! Tom, je crains qu’elle ne soit irréconciliable… Mon Dieu, elle est tellement irritée… Et puis ce mot, si seulement je savais le mot qu’il a prononcé…

— Je vais aller chez elle…

— Fais-le, Tom. Mais frappe doucement, qu’elle ne s’effraie pas, et reste calme, tu m’entends ? Ses nerfs sont malades. Elle n’a presque rien mangé… C’est son estomac, tu sais… Parle-lui avec calme.

Avec sa hâte coutumière, enjambant deux marches à la fois, le consul grimpa l’escalier du second étage tout en tortillant sa moustache. Lorsqu’il frappa, son visage s’éclairait déjà, décidé comme il l’était à traiter l’affaire aussi longtemps que possible en plaisanterie. Il ouvrit après avoir entendu un « Entrez ! » dolent et trouva Mme Permaneder étendue tout habillée sur son lit dont les rideaux étaient relevés, avec un édredon derrière son dos et un petit flacon d’un cordial sur la table de nuit. Elle se retourna un peu, appuya sa tête sur sa main et le regarda avec un sourire boudeur. Il s’inclina profondément, décrivit de la main un geste solennel :

— Madame ! Qu’est-ce qui nous vaut l’honneur d’avoir la visite d’une habitante de cette ville capitale et royale ?

— Embrasse-moi, Tom, dit-elle.

Elle se redressa pour lui tendre la joue et ensuite se laissa retomber sur ses coussins :

— Bonjour, mon bon garçon. Tu n’as pas du tout changé, comme je le vois, depuis les journées passées à Munich.

— Là, tu ne peux en juger ici, ma chère, avec ces stores baissés. En tout cas, tu n’aurais pas dû me souffler ce compliment qui te revient, cela va sans dire.

Tenant la main de sa sœur dans la sienne, il avait avancé une chaise et s’était assis près d’elle :

— Comme il a été dit bien souvent : Toi et Clothilde…

— Fi, Tom !… Comment va Thilda ?

— Bien, naturellement ! Mme Krauseminz veille à ce qu’elle n’ait pas faim. Ce qui n’empêche pas que le jeudi, ici, Thilda n’engloutisse énormément, comme si elle faisait des provisions pour la semaine suivante…

Elle rit de bon cœur, comme elle ne l’avait pas fait depuis longtemps, puis s’interrompit avec un soupir et demanda :

— Comment vont les affaires ?

— Voui… on s’en tire… Il faut s’estimer heureux…

— Oh ! Dieu soit loué, ici au moins tout est en règle. Ah ! je ne suis pas du tout d’humeur à bavarder gaiement.

— C’est dommage. Il faut garder de l’humour quand même.

— Non, c’en est fini. Tu sais tout ?

— Tu sais tout !… répéta-t-il, abandonnant sa main et reculant un peu sa chaise d’un mouvement brusque. Dieu du ciel ! comme cela sonne ! Tout ! Qu’est-ce qui n’est pas contenu dans ce « tout ».



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