Rosshalde by Hermann Hesse

Rosshalde by Hermann Hesse

Auteur:Hermann Hesse [Hesse, Hermann]
La langue: fra
Format: epub
ISBN: 2253013579
Éditeur: Le Livre de Poche
Publié: 2023-10-18T12:21:29+00:00


Chapitre 9

Le peintre avait travaillé jusqu’à la tombée du jour. Accablé de fatigue, il restait immobile dans son fauteuil, ramassé sur lui-même. Il se sentait absolument vide, pareil à un fruit dont on a retiré tout le suc et la chair. Ses joues flasques et ses paupières rougies lui donnaient l’apparence d’un vieillard. Il avait l’air d’un paysan ou d’un bûcheron qui vient d’accomplir un travail physique exténuant.

S’il avait suivi son instinct, il n’aurait pas bougé d’un pouce et se serait livré sans réserve à la lassitude et au relâchement total de sa volonté qui l’avaient envahi. Mais il était trop habitué à se dominer — c’était pour lui un principe — pour que cette dépression se prolongeât. Au bout d’un quart d’heure, dans un sursaut, il se leva. Sans accorder un seul regard à son tableau, il sortit du côté de l’étang, se déshabilla à l’endroit où il avait coutume de se baigner et fit, lentement, à la nage, le tour du lac.

Le soir répandait alentour une pâleur laiteuse. Des bruits arrivaient assourdis à travers le parc. Ils venaient du chemin le plus proche, qui passait à travers les champs. On percevait les grincements des charrettes de foin qui avançaient, cahotantes, auxquels se mêlaient, rauques et confus, les cris et les rires des valets et des filles de ferme, heureux de rentrer après un rude labeur. Veraguth sortit de l’eau et frissonna. Il se frotta vigoureusement pour se sécher, regagna sa chambre et alluma un cigare.

II avait eu l’intention d’écrire, ce soir-là, quelques lettres. Mais il ne parvenait pas à se décider. Mécontent, il sonna Robert.

Le domestique vint aussitôt.

« Dites-moi, vers quelle heure les jeunes gens sont-ils revenus de leur promenade en voiture ?

— Mais, monsieur, ils ne sont pas encore là.

— Comment, ils ne sont pas encore rentrés ?

— Hé non, monsieur. Pourvu que M. Albert n’ait pas trop éreinté ce pauvre bai ! C’est qu’il n’y va pas de main morte, avec les chevaux ! Il aime bien les faire courir. »

M. Veraguth ne répondit rien. Il aurait voulu avoir Pierre près de lui une petite demi-heure avant le repas. Il croyait, en effet, que l’enfant était rentré depuis longtemps. C’est pourquoi la réponse de Robert le contrariait vivement et même l’inquiétait.

Il se rendit immédiatement au manoir et alla frapper à la porte de la chambre de sa femme. Elle ouvrit et fut étonnée de le voir, car il y avait bien longtemps qu’il ne s’était pas trouvé là, à cette heure.

« Excuse-moi, dit-il en tâchant de dissimuler combien il était anxieux. Mais je voudrais savoir où est Pierre ? »

Mme Veraguth adressa à son mari un regard où se lisait sa surprise :

« Mais voyons, les deux garçons sont partis en voiture, tu le sais bien. »

Et comme elle sentait combien il était énervé, elle ajouta :

« Tu ne vas tout de même pas t’inquiéter pour si peu ! »

Il haussa les épaules avec humeur.

« Bien sûr que non. Mais je trouve qu’Albert agit un peu trop à la légère.



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