Le parfum des poires anciennes by Ewald Arenz

Le parfum des poires anciennes by Ewald Arenz

Auteur:Ewald Arenz [Arenz, Ewald]
La langue: fra
Format: epub
Tags: Littérature allemande, Roman
Éditeur: Albin Michel
Publié: 2023-05-15T00:00:00+00:00


Sally rit intérieurement. Elle remonta sur les pédales et démarra avant de perdre l’équilibre.

Au débouché du chemin d’exploitation, elle s’arrêta un instant sur la route. La silhouette de l’église du village était presque noyée dans la grisaille et la pluie. Elle n’était pas encore prête à rentrer mais commençait à avoir froid, elle avait fait plus de trente kilomètres.

Rouler à vélo sous une pluie pareille n’avait rien de plaisant. L’eau accumulée dans les ornières la freinait, et si elle se déportait vers le milieu de la route, les voitures la frôlaient de si près qu’elle était aspirée, et leurs roues faisaient gicler sur elle un nuage de bruine boueuse. Elle aurait dû s’en moquer puisqu’elle était déjà trempée, mais la grossièreté de tous ces chauffards la mettait tout de même en colère.

« Connard ! » cria-t-elle à une grosse Mercedes qui était passée si près que l’appel d’air la fit tituber, l’obligeant à se cramponner au guidon. Elle brandit le doigt, même si le conducteur ne la voyait sans doute plus à travers l’épais rideau de pluie. Un van Volkswagen freina et s’arrêta de l’autre côté de la chaussée.

Sally avait déjà l’insulte aux lèvres et le doigt prêt. La vitre s’abaissa et il lui fallut une seconde pour reconnaître Liss. Qui esquissa un sourire.

« Tu montes ?

– C’est ta voiture ? » demanda Sally après qu’elles eurent chargé le vélo. Le siège du milieu avait été démonté, la place ne manquait pas. Sally avait échangé son T-shirt contre le pull sec dans le sac en plastique. Elle avait gardé son pantalon mouillé. Il sécherait sur elle.

« Ce van est à Gerhard. Celui qui habite dans la grande maison au toit d’ardoises derrière l’église. Il a parfois besoin d’un tracteur, alors il prend le mien. En échange je peux me servir de son van. De toute façon, il en a deux. »

Sally s’était toujours figurée que Liss n’avait pas d’amis. Depuis qu’elle habitait chez elle, il n’y avait pas eu la moindre visite.

« Aha », dit-elle.

Liss lui lança un bref regard qu’elle ne sut interpréter.

« Quoi ? demanda Sally sur la défensive. Qu’est-ce qu’il y a ?

– Tu penses que je n’aime pas trop les gens. »

Ce n’était pas une question. C’était une constatation. Sally se sentit percée à jour. Une sensation qu’elle n’aimait pas : il suffisait aux gens de tomber juste une seule fois pour être aussitôt persuadés de tout savoir sur elle.

« Ce n’est pas difficile à deviner, dit-elle. Tu vas où, là ? »

Liss ne répondit pas tout de suite. Elle roulait vite malgré la pluie, et pas comme quelqu’un qui emprunte un véhicule de temps à autre. Elles bifurquèrent sur la route qui descendait vers la rivière. Sally vit une péniche solitaire qui avançait dans la lumière grise. C’était une image qui lui parlait. Que lui disait-elle ? Elle ne savait pas trop, mais ça lui parlait. Dans la ville où elle habitait, il n’y avait pas de rivière aussi large.



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