Contes et nouvelles du Québec II by Anonyme

Contes et nouvelles du Québec II by Anonyme

Auteur:Anonyme [Anonyme]
La langue: fra
Format: epub
Publié: 0101-01-01T00:00:00+00:00


A. ACHINTRE.

A. Lusignan

Le récit qui suit a paru dans les Nouvelles soirées canadiennes en 1883.

Trois malheurs du coup

Ceci est une histoire simple et vraie.

Et navrante.

C’est un père qui vient de me la raconter.

« Ma femme, ce matin-là, fatiguée par une nuit de bal d’ou nous étions rentrés à l’aube, dormait encore à l’heure où d’ordinaire elle avait donné au bébé son bain quotidien ; moi, il y avait beau temps que j’étais levé. Tu connais mes habitudes matineuses. J’étais enfermé dans mon cabinet, lisant d’un oeil seulement, et suivant de l’autre l’enfant qui marchait à quatre pattes et s’ébattait sur le tapis sourd. Je l’avais enlevée de son ber, où elle battait l’air de ses pattes grassouillettes et gazouillait sur des tons que l’Albani ne connaît plus. L’opéra qu’elle disait n’aurait été reconnu ni par Grau ni par Strakosk, mais la petite chantait à mon coeur mieux que tous les premiers prix du Conservatoire. Seulement, elle aurait réveillé la maman, qui avait besoin de repos.

« Il était déjà tard, et plus d’une fois j’avais songé à tirer du sommeil ma femme, la nonchalante. J’entrais dans sa chambre d’un pied libre, mais là, je n’osais plus.

« C’eût été pitié, parole ! Elle dormait si profondément, de ce sommeil serein des jeunes mères qui rêvent à l’enfant toujours, et le voient jouer avec les anges ses camarades. Sa joue était pâlie, ses yeux où la lassitude avait mis son cerne attestaient le besoin de reposer, et son souffle prolongé, sa respiration quelque peu forte me disaient qu’elle ne fournissait pas à dormir.

« Alors, je sortais de la chambre sans effrayer les songes, sans dénouer ce fil mystérieux qui nous relie pendant le sommeil avec les êtres d’au-delà. Et je revenais amuser Bébé, lui ramassant sa poupée sans bras, ses autres joujoux, lui parlant de ma voix la plus douce, l’empêchant surtout de pleurer. Je la faisais sauter sur mon pied, en lui disant: Au pas, petit trot, grand trot, à la course ! Comme elle riait d’un bon coeur, et aux éclats, de sa chère petite voix de soprano quand, après avoir au bout du doigt touché tous ses traits en disant : Menton fourchu, bouche d’argent, nez cancan, joue rôtie, joue bouillie, petit oeil, gros oeil, sourcillon, sourcillette, j’ajoutais, en frappant légèrement du plat de la main son beau front : Cogne, cogne la caboche ! Si je ne lui ai pas donné tous les noms ! Mon loup blanc, la petite chatte, la belle coquine, le rat doré, la vieille canaille, la loutre à papa, mon chou d’argent – toutes ces innocentes bêtises et ces divines injures que nous adressons aux petits enfants – je ne m’en suis pas fait faute, va !

« Mon cher, elle n’avait jamais été ni si belle, ni si gaie.

« Si je lui demandais : « Où est papa ? » – de son petit index à fossette, qui terminait un ongle nacré grand au plus comme un grain de millet, elle montrait aussitôt au mur mon portrait, crayon d’Achille Fréchette.



Télécharger



Déni de responsabilité:
Ce site ne stocke aucun fichier sur son serveur. Nous ne faisons qu'indexer et lier au contenu fourni par d'autres sites. Veuillez contacter les fournisseurs de contenu pour supprimer le contenu des droits d'auteur, le cas échéant, et nous envoyer un courrier électronique. Nous supprimerons immédiatement les liens ou contenus pertinents.