Te souviens-tu de Souliko'o ? - T2 by Failler Jean

Auteur:Failler, Jean [Failler, Jean]
La langue: fra
Format: epub
Tags: Polar régional
Publié: 2007-05-09T22:00:00+00:00

Chapitre XXXIV

Où Mary rencontre l’adjudant Lucas au bord d’un chemin et où elle conclut un pacte avec lui.

Le brigadier Dieumadi conduisait la camionnette de gendarmerie en sifflotant un air de biguine entre ses larges et belles dents et il paraissait parfaitement heureux de vivre. D’ailleurs, et ce n’était probablement pas un hasard, il avait ce que l’on appelle « les dents du bonheur », avec un écart entre les incisives supérieures.

Ce devait être le gendarme le plus décontracté de France et de Navarre. Il est vrai que sur les dunes de Trébeurnou, les forces de l’ordre ne risquaient pas de prendre un frigo ou une boule de pétanque sur le crâne au détour d’une rue, comme il est d’usage dans certaines banlieues. D’ailleurs, il n’y avait pas de rues, rien que des chemins qui sentaient peut-être la noisette quand c’était la saison et que le sieur Vanco ne se mêlait pas d’épandre des charognes sur ses prés.

Donc, il n’y avait pas de raisons de s’en faire. Le ciel était bleu, le soleil brillait presque comme aux Antilles, chaleur en moins cependant, et il pouvait être gai pour deux puisque l’adjudant Lucas était sombre pour quatre.

En fait, sur la banquette passager, l’adjudant Lucas rêvassait, les yeux dans le vague. Bref, il n’y avait pas de pression sur les forces de l’ordre ce jour-là.

Le brigadier Dieumadi éclata soudain de ce rire sonore qui faisait tressaillir Adrien Lucas, sous-officier bien noté, mais très introverti et ordinairement fort difficile à dérider.

Dieumadi, le bras tendu vers le pare-brise, montrait la route devant lui :

— Eh, mon adjudant, regarde qui est là !

Lucas faillit jurer : il venait de reconnaître la Twingo de Mary Lester bien garée dans une entrée de champ.

Il fit signe à Dieumadi de s’arrêter, descendit de la camionnette et fit le tour de la Twingo qui était vide en grommelant :

— Qu’est-ce que ça veut dire ?

Mary surgit de derrière un bout de talus :

— Mais c’est l’adjudant Lucas !

Elle jouait la surprise à merveille.

— Lester ! s’exclama-t-il, qu’est-ce que vous foutez là ?

Elle croisa les bras en le regardant :

— Ce qui est formidable avec vous, c’est que vous ne pouvez pas vous empêcher d’être galant ! Je cherche des fleurs, adjudant.

— En cette saison ? fit Lucas maussade. Il n’y a pas de fleurs en automne !

— Encore une fois, vous avez raison Lucas. Ça doit être pour ça que je n’en ai pas trouvé.

Lucas la considéra avec perplexité. Est-ce qu’elle n’était pas, une nouvelle fois, en train de se moquer de lui ?

— Pourquoi me regardez-vous toujours comme si je mijotais de noirs desseins ? demanda-t-elle. Je vous assure que je ne projette aucun assassinat dans l’immédiat !

Il continuait de la regarder, mi-figue, mi-raisin.

— Vous avez bonne mine, dites donc !

— C’est un reproche ?

— Non ! une appréciation.

— Ah, une semaine en mer, ça vous requinque, adjudant. Au moins je ne vous aurai pas embêtée pendant ce temps-là.

— Vous êtes allée en mer ?

— Oui.

— Où ça ?

Elle eut un geste vague du bras :

— Dans le sud…

Au moins, elle ne mentait pas.

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