Rosa, ce soir by Marco Denevi

Rosa, ce soir by Marco Denevi

Auteur:Marco Denevi [Denevi, Marco]
La langue: fra
Format: epub
Éditeur: Éditions Joëlle Losfeld


10

Et c’est là que s’achève, monsieur, ce que je peux vous rapporter. Ils se sont mariés hier.

Je me souviens, quelques jours plus tôt, Clotilde, Enilde, Rosa, Mlle Eufrasia et moi nous étions assises dans la cour, où nous prenions le frais. Nous parlions du mariage.

« Nous sortirons très discrètement pour aller à la mairie, disais-je, en m’adressant à Rosa, et il ferait beau voir ensuite que quelqu’un s’oppose à ce que Camilo et vous soyez l’un à l’autre, et pour la vie. À propos de mairie : Coretti et moi serons les témoins. Moi, pour vous, et Coretti pour Camilo. Mais dites-moi une chose, vous avez des papiers d’identité ?

— Moi ?

— Il ne manquerait plus que vous n’en ayez pas et que nous devions reporter le mariage.

— J’ai ma carte d’identité.

— Ah, c’est suffisant. »

Je me souviens que nous continuâmes à bavarder. Mais Rosa était restée pensive. Et après être restée un moment à faire des plis avec le tissu de sa jupe, elle se mit à parler, mais si bas, que nous qui bavardions de je ne sais plus quoi, nous ne nous en rendîmes pas compte. La seule à lui prêter attention fut Clotilde :

« Que dites-vous, Rosa ? »

Nous nous tûmes toutes.

« Non, rien. Je disais… Vous m’appelez Rosa, comme je signais mes lettres, mais…

— Ah, ne me dites rien, m’écriai-je. Je me l’étais imaginé. Vous ne vous appelez pas Rosa.

— C’est un nom dont nous sommes convenus lui et moi, pour brouiller les pistes.

— Je me l’imaginais, je me l’imaginais. Et comment vous appelez-vous ?

— Marta.

— C’est un joli nom. Plus joli que Rosa.

— Marta comment ? demanda Clotilde.

— Marta Córrega.

— Ah, ah !

— Et Camilo, il savait que vous vous appelez Marta Córrega ? insista Clotilde.

— -Comment ne l’aurait-il pas su ! dit Rosa.

— Comment ne l’aurait-il pas su ! dis-je moi aussi. Bien sûr que si. Sauf que c’est un vrai renard ! Il disait qu’il ignorait votre nom et il n’a même pas voulu nous donner votre adresse. Et vous savez pourquoi ? Pour que nous ne nous mêlions pas de votre histoire, d’après lui.

— Et où habitiez-vous ? demanda alors Clotilde.

— À Belgrano, répondit sèchement Rosa.

— Oui mais dans quelle rue ? »

Rosa étouffa une exclamation et se couvrit le visage avec les mains. Elle ne voulait sans doute pas se rappeler l’image de cette maison où elle avait tant souffert. Et cette Clotilde, qui fouillait exprès dans sa blessure ! Je lui adressai un de ces petits regards que mes filles connaissent si bien.

Nous nous mîmes à parler d’autre chose. Rosa ôta les mains de son visage. Ce fut alors le tour d’Enilde.

« Pourquoi ne nous montrez-vous pas votre carte d’identité ? Nous aimerions voir si vous êtes bien dessus. »

Quelles filles j’ai ! Quand l’une la lâchait, l’autre s’en emparait ! Rosa se leva et alla dans sa chambre.

« Pourquoi diable la lui demandes-tu ? » demandai-je à Enilde. Elle ne me répondit pas. Elle échangeait des regards avec Clotilde.



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