RAIDE au beurre noir by Adele Prince

Auteur:Adele Prince [Prince, Adele]
La langue: fra
Format: epub
Tags: Policier, Roman
ISBN: 9791035965013
Publié: 2022-01-05T23:00:00+00:00

13

Charlotte

J’entre dans la cuisine de Mamie complètement rincée. Il tombe des seaux d’eau dehors, et bien que l’averse m’ait surprise alors que j’étais presque arrivée chez elle, j’ai eu le temps de m’en prendre deux ou trois sur la tête.

Mamie me passe un de ses torchons géants, fait dans les draps en lin du trousseau de sa mère, dont elle vante les mérites absorbants à qui veut bien l’écouter.

— Ça sèche mieux que l’éponge avec laquelle on fabrique les serviettes aujourd’hui.

Je m’essuie les cheveux, je les ai épais comme les siens et ceux de mon père. L’héritage marocain que j’ignorais durant toutes ces années.

— Les initiales sur ce torchon ont été brodées par les nonnes ?

— Surtout par les orphelines ! C’est du point de croix.

J’enlève mes bottes en caoutchouc. Elle s’assoit à sa table et triture un sac à main avec la pointe d’une paire de ciseaux.

— Qu’est-ce que tu fais ?

— J’enlève le label, mais ce n’est pas de la tarte ! Je ne voudrais pas déchirer le tissu.

— Pourquoi ?

— Parce que si je porte une marque, je veux être payée. Je ne vois pas pourquoi je paierais pour faire de la publicité, je l’ai acheté ce sac. Hier en ville, j’ai vu une petite fille, une touriste, qui portait un legging avec écrit en lettres capitales DECATHLON le long de la jambe. Franchement, dis-moi pourquoi une mère fait porter un tel truc à son enfant ?

— Elle devait avoir de longues jambes pour caser toutes ces lettres.

Mamie s’acharne sur sa tâche.

— Tout le monde porte de la marque aujourd’hui, Mamie.

— Et les logos sont visibles et ils ont quadruplé de volume !

— C’est l’époque, Mamie, chacun se définit par ce qu’il possède.

— Tu veux un café Grand-mère ?

On pouffe de rire. Mamie abandonne son sac Desigual et prépare le café.

— Alors cette enquête… Vous en êtes où ?

— Antoine Mahieu, le mari d’Aveline la battait. Je suis allée voir Tiphaine et elle me l’a confié.

— Comment va-t-elle ?

— Pas très bien. Aveline était son associée à la crèche et visiblement une amie très proche. Je me demande pourquoi, Mamie, une fille, si populaire et aimée de tous, épouse un mec violent.

— Tu sais d’être populaire a ses défauts. Ça crée des jalousies.

— C’est vrai que ce genre de fille m’agaçait à l’école.

— Et les hommes n’aiment pas qu’on leur fasse de l’ombre.

L’eau remonte dans la partie supérieure de la cafetière italienne et émet des croassements glauques. Mamie coupe le gaz.

— Parfois, c’est juste la faute à pas de chance. Ou alors, elle avait mauvais goût pour les hommes.

L’arôme brûlé et acide du café emplit la cuisine. Ça me réconforte.

— Qu’est-ce qu’elle t’a dit d’autre Tiphaine ?

— Rien, on a parlé de la crèche, elle était très peinée pour les enfants d’Aveline.

— La grand-mère de Tiphaine s’inquiète aussi. Tu sais qu’Aveline voulait quitter son mari ?

— Ah bon ? Tu crois que Tiphaine le savait ?

— C’est possible, elle ne t’a peut-être pas tout dit.

— Cette mort ressemble de moins en moins à un accident.

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