Qui s'occupe du souper ? by Nathalie Collard

Auteur:Nathalie Collard
La langue: fra
Format: epub
Tags: Famille, Individu
ISBN: 9782764431160
Éditeur: Québec Amérique
Publié: 2016-02-25T00:00:00+00:00

Dix ans de sacrifices

Pour Marie, qui occupait un poste très en vue dans le milieu de la finance, le constat est plus douloureux. Même si elle a travaillé comme consultante après avoir quitté son emploi, elle souffre de l’absence de reconnaissance de la société à son endroit. « Quand tu ne travailles plus, on ne te demande plus quels sont tes projets, on te classe dans une autre catégorie. »

Cela dit, elle n’a aucun regret, d’autant plus que chacun son tour, ses deux enfants ont traversé une période difficile. « Si j’avais poursuivi ma pratique professionnelle, je n’aurais pas été capable de mettre ça de côté pour m’occuper de mes enfants au moment où ils en avaient besoin. Il aurait fallu que je démissionne. »

Aujourd’hui, Marie estime que sa famille a énormément bénéficié de son choix. « Mon conjoint a pu se consacrer à sa carrière, et j’étais ses oreilles et ses yeux à la maison, explique-t-elle. Il en est très reconnaissant aujourd’hui. Pour ma part, je suis contente que mes enfants aillent bien, mais je ne peux m’empêcher de constater que je n’ai aucune rémunération ni reconnaissance. Or, tous les psychologues vous le diront, pour qu’un individu évolue bien, il doit avoir de la reconnaissance. Quand mes enfants connaissent un gros succès, je ne peux pas le prendre pour moi, ça leur appartient. Parce que ça aurait pu aussi mal aller et ça n’aurait pas été de ma faute pour autant. »

Avec le recul, Marie reconnaît qu’elle n’aurait pas pu mener de front vie professionnelle et familiale. « Je n’étais pas capable d’être perfectionniste au travail et à la maison, j’étais en train d’y perdre ma peau. Je suis honnête, je le dis. Et je suis certaine que j’ai sauvé mon mariage en faisant cela. »

Comme Isabelle, ce que Marie a trouvé le plus difficile, c’est le regard négatif des autres. « Je pense que c’est ça qui fait que les femmes en général ne veulent pas rester à la maison, croit-elle. C’est l’absence de reconnaissance. Le regard débilitant que je reçois, il vient des femmes, jamais des hommes. Les autres femmes vont dire : “She couldn’t handle the stress.” Nous sommes dans une époque de valorisation de soi alors que, moi, j’ai fait un don de moi. »

Au départ, poursuit Marie, son conjoint n’était pas emballé par la perspective qu’elle abandonne sa carrière. « Mon chum considère qu’il a fait une grosse concession, lui aussi, car il avait marié une femme d’affaires avec un potentiel et un revenu considérable – dans la société du paraître, ça paraissait très bien d’être avec moi. Il a accepté de mettre ça de côté, il a respecté ma décision. Aujourd’hui, il tire profit de la situation. Et il aimerait que je sois parfaitement heureuse à la maison, car, comme homme orgueilleux, c’est plus facile de dire : “Ma femme est à la maison, elle joue au tennis, elle s’occupe d’organismes à but non lucratif” que d’avoir une femme qui essaie de tout faire et de composer.

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