Libérées ! by Titiou Lecoq

Libérées ! by Titiou Lecoq

Auteur:Titiou Lecoq
La langue: fra
Format: epub
Éditeur: Fayard
Publié: 2017-05-15T00:00:00+00:00


Être partout chez vous

Mais, dans cette avalanche de photos, ce qui saute vraiment aux yeux, c’est leur homogénéité, une homogénéité qui renforce l’idée implicite de normes.

Le problème, ce n’est évidemment pas de vouloir un intérieur joli et agréable dans lequel on se sent bien. La vraie question, c’est pourquoi avons-nous tous, à ce point, la même définition du joli ? C’est bien sûr l’expression d’une classe sociale, mais la nouveauté, c’est qu’elle transcende les âges, de la chambre de bonne à la maison de famille, la déco est exactement la même, et qu’elle franchit également les frontières, de Los Angeles à Berlin. Il y a une universalisation du bon goût à l’échelle planétaire. Et ce n’est pas propre aux maisons. Puisqu’il faut se sentir partout chez soi, restaurants et cafés font de même. Le site Theverge a publié en 2016 un article qui commence par le témoignage d’un homme d’affaires berlinois qui voyage beaucoup52. Quand il arrive dans une nouvelle ville, il utilise l’application Foursquare pour avoir des recommandations de cafés ou de restaurants. Au fil des années, il a remarqué que ces lieux tendaient à se ressembler de plus en plus. Que ce soit à Odessa, Pékin ou Los Angeles, il atterrissait toujours dans le même endroit avec des tables en bois brut, des briques apparentes et des suspensions à ampoules Edison. Pourtant, ces endroits n’appartenaient pas à une chaîne du type Starbucks. Mais leurs propriétaires avaient tous adopté le même style faussement artisanal. C’est ce que Kyle Chayka, l’auteur de l’article, nomme l’AirSpace. Un espace universel qui se retrouve partout et donc nulle part et que des services comme Airbnb ou Instagram ont largement contribué à forger en le propageant. Le journaliste continue en moquant le slogan d’une récente campagne de com d’Airbnb, « être partout chez vous », une formule qui n’est clairement pas tirée d’un livre de Nicolas Bouvier. La finalité du voyage à l’étranger n’a jamais été de se retrouver chez soi. Mais en réalité, quand on est dans l’AirSpace, on n’est pas chez soi. On ne sait plus où on est, alors qu’inscrire un lieu dans une géographie fait partie de l’expérience humaine du réel. L’AirSpace est comme un labyrinthe de miroirs dans lequel l’esprit ne peut plus se repérer. Et cette déréalisation ne touche pas seulement l’inconnu, mais également nos territoires coutumiers.

Je suis née à Paris, je n’ai jamais vécu ailleurs. Ma mère m’a transmis un amour passionné pour cette ville, pour chacun de ses quartiers, qu’il s’agisse de Saint-Germain ou de Barbès. Pourtant, depuis quelque temps, je commence à me sentir mal à l’aise dans ma ville. J’ai vécu une expérience curieuse. Je suis allée dans une friche qui avait été ouverte à Richard-Lenoir, à côté de mon ancien studio d’étudiante. Après la destruction de bâtiments, pour ne pas laisser le terrain à l’abandon, la municipalité avait décidé de permettre aux habitants de se l’approprier pendant quelques semaines. Sur le papier, je ne pouvais qu’adhérer à l’idée. En fin de compte, j’ai



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