Fiction n 323 by Collectif

Fiction n 323 by Collectif

Auteur:Collectif [Collectif]
La langue: fra
Format: epub
Tags: Fantastique, Nouvelles, SF
Éditeur: Opta
Publié: 0101-01-01T00:00:00+00:00


Jawol causa bien vite du tracas à ses parents. Son état d'homme-oiseau l'obligeait à vivre à l'air libre, tandis qu'il était vital pour sa nature de poisson de plonger dans l'eau. Aussi Cynthia et Fulvio décidèrent-ils de lui aménager un de ces bassins que le peuple ancien avait construits dans le parc du château. J'avais beau voir d'un mauvais œil ce petit être qui était venu ruiner mes projets, ce m'était tout de même un délicieux spectacle que d'observer ses ébats. Il jouait à cache-cache avec les libellules, émergeant d'entre les nénuphars. L'onde bleutée déformait sa tête de rapace, qui jaillissait comme une fleur de la vague. Rapide, il nageait jusqu'à la bordure de pierre, s'y agrippait de ses doigts rosés, se traînait sur la terre. J'étais fasciné par ces mains qui couraient agiles sur le sol, par ce buste semblable au mien, par cette queue de poisson qui s'agitait comme un gouvernail.

Mais bien vite le bassin du château ne suffit plus à Jawol. Un matin, nous le découvrîmes se baignant avec délectation dans la crique !

— Jawol ! hurla Cynthia. Les requins !

Je me précipitai dans l'eau. Quelques enjambées, je l'arrachai des vagues, courus comme un fou jusqu'à la plage. Je me retournai. Contournant la jetée, des ailerons se profilaient dans le soleil…

— Héééé… fit Jawol.

Un cri de bête. Je regardai mon… Effrayé, je le lâchai. Il tomba sur le sable en vagissant :

— Euuuu…

Nu sur le sable, se contorsionnant comme un reptile, Jawol me fixait d'un œil étrange. Sa tête d'épervier dodelinait de droite à gauche, son bec acéré s'ouvrait démesurément, sa queue frappait les galets. À six mois, il était aussi vif qu'un squale ! Un instant, je crus qu'il allait me mordre. Je reculai. Je l'avais sauvé de la mort et… Je me retournai à nouveau : ils étaient une dizaine à présent à sillonner la crique, les requins du diable !

À mes pieds, Jawol me fixait de son regard cru. Brusquement, il rampa, cherchant à me saisir aux chevilles. Je reculai précipitamment. Il s'arrêta. Fit à nouveau quelques mètres dans ma direction. Je m'éloignai d'autant.

Il se mit à vagir. Je gagnai les dunes. M'arrêtai. Je le cherchai des yeux : il n'était plus sur le sable qu'une larve insignifiante.

Alors le calme revint en moi. Aussi loin que portait mon regard, je ne voyais que la mer, et le sable, et les dunes crevées d'oyats. Le vent m'apportait les paroles tranquilles des vagues. Pourtant, malgré la quiétude de l'heure, je sentis soudain comme une froidure. J'avais beau me persuader que j'étais heureux dans le silence du pays et la grandeur de la mer, j'eus le sentiment qu'un abîme en moi se creusait peu à peu, qui sentait la mort. Je respirai fort. Le sel me glaça. Je me souvins que j'étais un homme. Sans doute le dernier. Que j'avais pour compagne une femme-oiseau et une naine. Que notre vie commune était douce, peut-être parce qu'elles m'avaient apporté en des moments tragiques la paix du cœur et des sens.



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