Changer l'eau des fleurs by Valérie Perrin

Changer l'eau des fleurs by Valérie Perrin

Auteur:Valérie Perrin
La langue: fra
Format: epub
Tags: Fiction, General, Biography & Autobiography, Littérature
Éditeur: Albin Michel
Publié: 2018-02-28T23:00:00+00:00


57

Le destin a fait son chemin mais il n’a jamais séparé nos cœurs.

Juin 1996, Geneviève Magnan.

Je suis tellement sensible que quand je lis ou j’entends le mot « acide », j’ai mal à la langue et mes yeux me piquent. J’ai tout qui brûle. C’est ce que je me dis quand je vois une pub pour des bonbons acidulés à la télé. « T’as trop de sensiblerie », me crachait ma mère entre deux torgnoles.

Ça doit être une histoire de vases communicants : comme mon âme est foutue, bonne à jeter aux chiens des rues, mon corps rattrape le coup.

Je change de chaîne. Si seulement je pouvais changer de vie en appuyant sur ma télécommande. Depuis que je suis au chômage, je suis vautrée dans mon vieux fauteuil à ne pas savoir quoi faire. À me dire que rien n’est grave. Que c’est fini. Qu’on ne peut pas revenir là-dessus. Que l’affaire est classée. Mortes. Enterrées.

Je dormais quand Swan Letellier a téléphoné. Il m’a laissé un message que je n’ai pas compris, ses mots étaient confus, il paniquait sec, y a tout qui se mélangeait dans sa cervelle de moineau. J’ai dû le réécouter plusieurs fois pour remettre ses mots à l’endroit : la mère de Léonine Toussaint l’attendait devant le restaurant où il bosse comme cuistot, elle a l’air cinglée, elle ne croit pas que les filles soient allées dans les cuisines pour se faire du chocolat cette nuit-là.

Après le procès, je pensais que je n’entendrais plus jamais parler de Léonine. Comme je n’entendrais plus jamais parler d’Anaïs, d’Océane ni de Nadège. Heureusement, c’est l’autre, la dirlo, qui a tout pris. Deux ans de taule. Faut bien que les nantis mangent un peu de merde, faut bien que justice se fasse de temps en temps. Jamais pu la blairer celle-là, avec ses airs de sainte nitouche.

La mère de Léonine Toussaint… Les familles n’étaient pas du coin. Y a que les bourgeois qui envoient leurs mômes se tremper le cul dans le lac d’un château. Je pensais que les parents ne passaient que par la case cimetière quand ils venaient par chez nous, et qu’ils repartaient fissa dans leurs pénates après avoir déposé des fleurs et des crucifix sur la tombe de leur gosse.

Qu’est-ce qu’elle cherche ? Qu’est-ce qu’elle veut ? Est-ce qu’elle va venir chez moi ? Est-ce qu’elle va faire le tour des popotes ? Letellier panique, mais moi, ça fait belle lurette que j’ai plus peur de personne.

Nous étions six au château. Letellier, Croquevieille, Lindon, Fontanel, Petit et moi.

De repenser à tout ça, ça me rappelle la première fois que je l’ai vu. Pas la dernière, la première. D’habitude, je repense à la dernière. Et j’ai la haine qui me pique le sang comme des rivières de bonbons acidulés.

La première fois, c’était à une fête de fin d’année pour les écoles maternelles de la région. J’avais du vomi sur la chemise, du lait caillé, celui du petit dernier qui avait été malade à cause de la chaleur. Je l’avais un peu ouverte pour pas que les gens voient l’auréole.



Télécharger



Déni de responsabilité:
Ce site ne stocke aucun fichier sur son serveur. Nous ne faisons qu'indexer et lier au contenu fourni par d'autres sites. Veuillez contacter les fournisseurs de contenu pour supprimer le contenu des droits d'auteur, le cas échéant, et nous envoyer un courrier électronique. Nous supprimerons immédiatement les liens ou contenus pertinents.