Le Monarque des ombres by Javier Cercas

Le Monarque des ombres by Javier Cercas

Auteur:Javier Cercas [Cercas, Javier]
La langue: fra
Format: epub
ISBN: 2330111223
Google: dgNfDwAAQBAJ
Éditeur: Actes Sud
Publié: 2018-08-27T22:00:00+00:00


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Début 2015, alors que cela faisait exactement un an que j’avais appris par ma mère la mort du Tondeur et deux ou trois ans que je rassemblais des informations sur Manuel Mena, une boîte de production audiovisuelle m’appela : ils préparaient une série d’émissions sur les Catalans nés dans d’autres régions d’Espagne et me proposaient d’être le protagoniste d’un épisode. Comme toujours lorsqu’on me demande de faire une apparition à la télévision, me vint à l’esprit ce qu’une amie d’Umberto Eco lui avait dit un jour (“Umberto, chaque fois que je ne te vois pas à la télé, tu m’as l’air plus intelligent”), si bien que je répondis par la négative ; puis je me souvins de ma mère et de Manuel Mena et du Tondeur et je répondis par l’affirmative. Mais à condition que le tournage se déroule à Ibahernando et que ma mère y participe.

La boîte de production y consentit, et durant trois jours, à la fin du mois de juin 2015, nous tournâmes à Ibahernando. À cette époque, je connaissais déjà bien l’histoire de Manuel Mena, j’avais parlé à de nombreuses personnes qui l’avaient côtoyé ou savaient certaines choses à son sujet, j’avais fait des recherches dans des archives et des bibliothèques, je m’étais rendu là où Manuel Mena s’était battu pendant la guerre – les alentours de Teruel, Lérida, la vallée de Bielsa, le terrain de la bataille de l’Èbre, la région de la Terra Alta – et j’avais contacté historiens professionnels, historiens amateurs, érudits locaux, associations d’historiens et amateurs d’histoire régionale, ou tout simplement des habitants de certains villages. Pourtant, je ne voyais toujours pas Manuel Mena ; je veux dire par là que Manuel Mena continuait d’être pour moi ce qu’il avait toujours été : une silhouette floue et lointaine, schématique, sans densité ni relief ni complexité psychologique, aussi raide, froide et abstraite qu’une statue. Par ailleurs, mes premières recherches m’avaient réservé quelques surprises. Je me souviens, notamment, de mon premier échange de mails avec Francisco Cabrera, un garde civil à la retraite qui possédait dans sa maison de Gandesa, capitale de la région de la Terra Alta, des archives contenant des documents collectés au cours de vingt années de dévouement presque exclusif à l’histoire de la bataille de l’Èbre, et qui avait publié plusieurs études conséquentes sur le sujet. J’obtins son adresse électronique par une de ses amies et collaboratrice, que j’avais rencontrée par hasard dans une bibliothèque de Barcelone, et j’expliquai brièvement à Cabrera par écrit ce que je cherchais. Cabrera me répondit aussitôt, comme s’il était en train d’attendre ma question ou comme si son seul métier consistait à répondre aux questions comme la mienne. “Je crains d’être en désaccord avec ce que vous avez pu trouver sur votre grand-oncle, écrivait-il. Selon ma base de données, il est mort le 8 janvier 1938, lors de la bataille de Teruel, et non pas le 21 septembre 1938, lors de la bataille de l’Èbre. J’espère que vous ne m’en voudrez pas si mes documents infirment ce que vous croyiez savoir sur la mort de votre aïeul.



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