Primal by Baker

Auteur:Baker
La langue: fra
Format: epub
Éditeur: JC Lattès
Publié: 2015-09-12T16:00:00+00:00

17.

Du 11 au 15 septembre 2006

Ysan passa la nuit dans la crique. Blottie entre des rochers, elle n’avait que les moustiques, les crabes violonistes et ses souvenirs douloureux pour lui tenir compagnie. Elle n’arrivait toujours pas à comprendre comment elle avait pu faire une chose pareille. En revanche, elle savait très bien qu’elle avait commis une faute impardonnable. Elle avait blessé tous ceux qu’elle pouvait blesser, détruit toutes les amitiés qu’elle pouvait détruire.

Avant le lever du jour, elle contourna la plage principale pour aller prendre son petit déjeuner dans le verger et se doucher longuement sous la cascade. Elle se réfugia dans son arbre bien avant que les autres n’apparaissent sur la piste.

La matinée traîna en longueur. Ysan pleurait en silence. Elle se sentait coupable d’avoir trahi Clarabel, écœurée par ce qu’elle avait tenté de faire à son bébé, angoissée à l’idée d’avoir fâché Raúl, désolée d’avoir offensé Danny et gênée à la perspective de revoir Antonio. Chacun de ces sentiments accroissait sa détresse.

Elle fut distraite par l’arrivée de Maisie, qui rampa jusqu’à la lisière de la piste en se cachant derrière des buissons et s’accroupit en brandissant sa lance. Les chimpanzés étaient assez éloignés, mais les lapins se rapprochaient : ils seraient bientôt à sa portée. Ainsi, Maisie et Pete se faisaient toujours concurrence à la chasse, elle avec sa lance, lui avec son arc et ses flèches. Les autres en parlaient, mais même s’ils avaient échoué jusque-là, ils étaient les seuls à agir.

Au début, Maisie faisait penser Ysan à une petite souris blanche, avec ses frétillements et sa voix aiguë. Plus maintenant. Maisie était petite, certes, mais c’était une grande âme. Elle avait gagné la sympathie de tous et se dépensait sans compter pour la communauté.

Maisie rata sa cible. Les lapins coururent s’abriter sous les buissons ou dans leurs terriers. La jeune femme resta un moment plantée sur la piste, penaude. Un groupe de chimpanzés curieux, menés par M1, vint aux nouvelles en trottinant. Ils avaient souvent assisté aux chasses de Maisie. Mais ils ne s’étaient jamais approchés aussi près d’un être humain, même le jour où Ysan avait cru être prise dans une embuscade. Leurs mouvements étaient lents mais déterminés ; ils encerclèrent Maisie sans la quitter des yeux. Il était difficile de deviner leurs intentions : étaient-ils simplement curieux, ou s’apprêtaient-ils à chasser ?

Heureusement, lorsque Maisie s’en alla, les chimpanzés s’évanouirent dans la forêt sans lui chercher querelle. Ysan, quant à elle, ne trouva le courage d’affronter le regard des autres qu’en fin d’après-midi. Mais comment se présenter à eux ? Fallait-il ramper à leurs pieds en leur demandant pardon ? Arriver la tête haute, comme si elle n’avait rien fait de mal ? D’instinct, elle savait que ni l’une ni l’autre de ces attitudes n’était la bonne, mais elle ne voyait pas d’alternative.

En signe de bonne volonté, elle remplit un panier de fruits et ramassa une branche pour le feu. Mais lorsqu’elle arriva sur la plage, la confusion régnait dans le camp. Antonio n’était toujours pas rentré, et la pêche avait été mauvaise.

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