Prenez garde aux petites filles by Michel Allegretto

Auteur:Michel Allegretto [Allegretto, Michel]
La langue: fra
Format: epub
Tags: Policier
Éditeur: Gallimard - Série Noire
Publié: 2016-05-04T17:27:49+00:00

20

En sortant du Pussy’s, je tournai à droite dans Speer Boulevard et pris la direction du viaduc au nord-ouest de la ville.

Le Donnelly’s Pub était un bloc de béton massif et carré au milieu d’un parking macadamisé jonché de débris de verre qui brillaient. Dans le coin, c’était habité par des vieux, Mexicains pour la plupart. Avant, c’étaient des Italiens. Comme il n’y avait jamais eu d’Irlandais à ma connaissance, je me demandais ce que Donnelly fabriquait ici.

J’y étais venu une fois, cela remontait à une éternité, quand j’étais jeune flic. Nous avions répondu, mon coéquipier et moi, à un appel et nous étions tombés sur deux types en train de se taper dessus au milieu de la salle sous les encouragements du reste de la clientèle. Avant que nous ayons pu les séparer, l’un des types estima que de se battre comme ça, ça lui donnait faim, en conséquence de quoi il fit une cravate à son adversaire et lui arracha l’oreille d’un coup de dents. Nous fîmes usage de nos matraques pour le dissuader de l’avaler.

Le bistrot était presque désert. C’était l’heure calme de la journée. Il n’y avait que deux gusses, au fond, qui jouaient au flipper et, au bar, un vieux de la vieille qui descendait des bières en série.

Le barman était assez baraqué, assez âgé et assez couturé pour avoir été joueur de football pro à l’époque où on ne portait pas encore de masque. Il considéra ma veste de sport comme si c’était le maillot de l’équipe adverse.

— Qu’est-ce que ce sera, l’ami ?

Je me juchai sur le bord d’un tabouret, jetai un coup d’œil en direction du petit vieux et m’efforçai de donner l’impression que j’étais nerveux.

— Un screwdriver, s’il vous plaît.

Le petit vieux eut un reniflement de mépris. Le barman versa dans un verre de la vodka made in U.S.A. et, prenant une carafe en plastique, y ajouta un liquide orange. Il le posa devant moi.

— Ça fera deux dollars cinquante.

Le petit vieux pouffa.

Je tendis un billet de cent dollars au barman qui le contempla comme s’il tombait de la planète Mars.

— Non mais dites, vous allez me prendre toute ma monnaie !

— Oh ! Excusez-moi.

Je fourrageai dans mon portefeuille comme si j’étais plein aux as et en extirpai une coupure de dix. Quand il me rapporta la monnaie, je lui dis que je cherchais Leonard Reese.

— L’est pas ici.

— Ah ! Pensez-vous qu’il viendra plus tard ?

— Possible.

— Savez-vous où je peux le joindre ?

— Non.

J’inscrivis le numéro du bureau derrière une carte de visite.

— S’il vient, pourriez-vous lui dire de m’appeler, je vous prie ?

— Peut-être. C’est pour quoi ?

— Je… euh… il est important que je lui parle. Au sujet de… euh… d’une proposition d’affaires.

— Vous êtes acheteur ou vendeur ?

— Acheteur.

— La commission sera faite.

Je portai le verre à mes lèvres. Ça avait un goût de soda à l’orange et d’essence.

— Merci.

Je ramassai ma monnaie et sortis, accompagné par les gloussements du petit vieux.

J’avais fait étalage de mes

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