On a tous un ami noir by Gemenne François

On a tous un ami noir by Gemenne François

Auteur:Gemenne François [François, Gemenne]
La langue: fra
Format: epub
Éditeur: Fayard
Publié: 2020-09-07T07:25:24+00:00


Les Blancs sont-ils privilégiés ?

Les grandes manifestations antiracistes qui ont suivi le meurtre de George Floyd à la fin du mois de mai 2020, aux États-Unis et partout dans le monde, ont rallumé la mèche d’un débat passionné sur le « privilège blanc ». Le débat a pris un tour particulièrement vif en France lorsque Emmanuel Macron lui-même s’en est mêlé, en accusant les chercheurs d’avoir « coupé la France en deux » en ethnicisant la question sociale1. Coupé la France en deux ? L’expression est forte – et profondément injuste pour les chercheurs, à qui le président prête une influence qu’ils n’ont guère dans ces débats. Mais elle révèle l’ampleur de l’incompréhension entre ceux qui récusent le concept de « privilège blanc », qui relève selon eux davantage de la culture américaine, oppose les communautés les unes aux autres et fige chacun dans une identité liée à sa couleur de peau, et ceux qui estiment au contraire que nier ce privilège revient à nier les discriminations. J’aimerais émettre ici l’idée révolutionnaire que les deux camps ont raison, mais en fait ne parlent pas de la même chose, même s’ils en ont l’impression.

Mon étonnante capacité à franchir illégalement les frontières avec un passeport périmé, rapportée ci-dessus, est un exemple typique de ce qu’on appelle souvent le « privilège blanc » : le fait de ne pas devoir se soucier de sa couleur de peau, parce qu’on fait partie du groupe majoritaire. Voire même, comme dans mon cas, de jouir d’un certain nombre d’avantages, de passe-droits, en raison de sa couleur de peau. Indéniablement, ces privilèges existent, et sont documentés dans les faits et dans les chiffres. Dans son dernier rapport2, le Défenseur des droits souligne ainsi que 11 % de la population, en France métropolitaine, ont vécu une ou plusieurs discriminations en raison de leur origine ou de leur couleur de peau sur les cinq dernières années. Les femmes vues comme Noires, Arabes ou Asiatiques ont une probabilité 2,5 fois supérieure aux femmes blanches d’être victimes de discriminations dans l’emploi. Lorsqu’elles souhaitent louer un logement, les personnes au nom à consonance arabe ou africaine ont respectivement 27 et 31 % moins de chances d’obtenir un rendez-vous avec le propriétaire. On pourrait multiplier les exemples à l’infini.

Mais ceux qui ne souffrent pas de ces discriminations en sont souvent inconscients. De la même manière qu’avant l’apparition du mouvement #MeToo beaucoup d’hommes n’avaient aucune conscience de l’ampleur des violences subies par les femmes, de même beaucoup de Blancs n’ont aucune conscience de l’ampleur des discriminations et violences que subissent les « racisés3 ». C’est pour cela qu’il est impossible, pour un Blanc, d’avoir pleinement conscience de ce que ressentent ceux qui appartiennent aux minorités : pour la simple raison qu’il est majoritaire. Et c’est pour la même raison qu’il sera toujours impossible à un homme de ressentir ce que ressent une femme, à une personne hétérosexuelle de ressentir ce que ressent une personne LGBT+ ou à une personne valide ce que ressent une



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