Adieux au capitalisme by Jérôme BASCHET

Adieux au capitalisme by Jérôme BASCHET

Auteur:Jérôme BASCHET [Baschet, Jérôme]
La langue: fra
Format: epub
Éditeur: La Découverte
Publié: 2016-10-20T16:00:00+00:00


Le travail est mort, vive l’âge du faire !

Pour obligée qu’elle soit, la participation de chacun aux tâches de production et d’organisation devrait s’avérer moins un poids qu’un motif de satisfaction et une occasion d’expériences intersubjectives bénéfiques. Mais le point crucial qui transforme jusqu’au sens même des activités et des tâches précédemment évoquées, c’est la plage temporelle qui demeure intacte, hors de leur portée. C’est ce temps offert à ce que chacun décide de faire, pour soi ou pour les autres. C’est en cela que la société postcapitaliste est avant tout une société du temps disponible. Dans le monde capitaliste, le « temps libre » n’est que l’envers du travail, son indispensable complément voué à la consommation, quand il n’est pas vampirisé par la production de l’employabilité de soi ou bien livré à la désespérante vacuité à laquelle condamne le chômage. Dans la société postcapitaliste, le temps disponible n’est pas un reste ; il est l’essentiel. De fait, il n’est plus même question de travail, activité subie et ordonnant la vie tout entière, qui impose de se dessaisir de ses capacités manuelles ou intellectuelles et de les engager dans un projet dont la maîtrise revient à d’autres17. Dans le salariat, le travailleur reste séparé des moyens de son activité et étranger aux fins de celle-ci ; il est dessaisi du sens effectif de son activité. L’abolition du travail salarié restitue l’unité du faire humain. Elle annule la dissociation entre le faire et la prise des décisions liées à ce faire et rend à ceux qui font le contrôle de leur activité.

Alors que le régime capitaliste est fondé sur une logique de division du travail et de spécialisation croissante, l’âge du faire et du temps disponible autorise une dé-spécialisation généralisée, qui ouvre à chacun la possibilité d’expérimenter de multiples champs d’activités et de facultés (ce qui, de surcroît, permet de réaliser soi-même de nombreuses tâches qui requéraient auparavant le recours au travail d’autrui et à la consommation marchande). Le temps disponible est par définition ce que chacun décide d’en faire. Il n’y a donc, à cet égard, aucune prescription à énoncer et le plus sage serait sans doute de n’en rien dire, précisément parce que c’est le plus important. Mais on peut tout aussi bien, pour cette même raison, se laisser aller à imaginer ce temps de la joie, de l’amour et de l’amitié, de la danse et de la créativité. Un temps des plaisirs du faire autant que des curiosités du savoir, de la pratique musicale ou culinaire, de l’expérimentation philosophique ou horticole. Dans une telle société, une même personne pourrait être amenée successivement ou simultanément à fabriquer des pneus de bicyclette et à siéger dans les Conseils d’autogouvernement, à cultiver des tomates ou du maïs et à partager des problèmes mathématiques avec les enfants du quartier, à participer à l’élaboration d’un logiciel coopératif et à faire le ménage, sans parler, entre mille et un domaines ouverts à l’exploration de tous, d’une passion pour l’anthropologie des rites d’inversion ou pour l’art littéraire des scarabées.



Télécharger



Déni de responsabilité:
Ce site ne stocke aucun fichier sur son serveur. Nous ne faisons qu'indexer et lier au contenu fourni par d'autres sites. Veuillez contacter les fournisseurs de contenu pour supprimer le contenu des droits d'auteur, le cas échéant, et nous envoyer un courrier électronique. Nous supprimerons immédiatement les liens ou contenus pertinents.