Mignone Allons Voir Si La Rose by François Cavanna

Mignone Allons Voir Si La Rose by François Cavanna

Auteur:François Cavanna [François Cavanna]
La langue: fra
Format: epub
Tags: Littérature française, Essais
Éditeur: Belfond
Publié: 2011-02-15T23:00:00+00:00


*

La concision ! C’est toujours l’argument que mettent d’abord en avant les admirateurs fervents (les « supporters » !) des anglo-américanismes. « Week-end », proclament-ils, est plus bref que « fin de semaine », vous n’allez pas prétendre le contraire !

Je ne vais pas prétendre. « Week-end » est plus bref, « week-end » est ce qui se fait de mieux en fait de brièveté… Mais justement. Qu’avons-nous donc tant à faire de brièveté ? Qu’est-ce que cette obsession de gagner un ou deux centièmes de secondes sur une phrase parlée, deux ou trois lignes sur une page écrite ? Ce temps, cet espace gagnés, qu’allons-nous en foutre ? Le français n’est pas une langue à l’emporte-pièce, nous l’avons déjà constaté. Et alors ? Le français est analytique, c’est-à-dire qu’il ne se contente pas de déblayer grosso modo: il décrit, il détaille. Ses qualités maîtresses sont la précision et la clarté. (Ne parlons même pas de sa beauté, c’est sur le terrain de l’efficacité qu’on nous a forcés à nous défendre.) Le français est moins bref parce qu’il explique mieux, parce qu’il décrit mieux. Ce n’est pas un gougnafier, il fait le travail bien à fond, il n’y a pas à repasser derrière.

Et si vraiment « fin de semaine » vous épuise, je vous signale qu’il existait, en mon jeune âge, un mot très bref qui, chez les ouvriers, désignait justement ces dimanches à deux coups qui englobaient le samedi : c’est le « pont ». Oui, je sais, ce mot a évolué. Chassé de son sens premier par l’impudent « week-end », il désigne aujourd’hui la fin de semaine prolongée par combinaison avec d’autres jours fériés. Je puis vous assurer que, sur les chantiers, naguère, le pont était l’union d’un samedi et d’un dimanche chômés. Si le samedi n’était chômé que l’après-midi, on avait alors la « semaine anglaise », terme qui a depuis, je crois, sombré corps et biens dans les eaux mornes de l’oubli.

Eh, causons tranquillement, mon ami ! Parlons notre langue à nous, si fleurie, si gracieuse, empruntons les sentiers charmants, il n’y a pas le feu, que diable! Et laissons ces mots secs comme abois de chiens, ces mots mâchouillés chouinegomme, ces mots télescopés, ces mots hachés mitrailleuse, à ces épais du Texas avec leur galure à la con, à ces barbares morfaloux pour qui time is money et biz-ness is bizness (non, tu ne me feras pas écrire « business », ça me donne des boutons). Nous avons tout notre temps, petit frère. Parler n’est pas que transmettre un message tout cru, parler n’est pas du morse. Parler est, en soi, un plaisir. Et écrire, donc ! Exprimons-nous à notre rythme, ce rythme est celui de notre tempérament à nous, Français. Faites-lui violence, vous n’aurez rien de bon.

Alors, le franglais, tu es contre ?

Eh bien, c’est, disons, affaire de quantité. Quand un néologisme yankee s’impose par son irremplaçable utilité, ou parce qu’il est drôle, ou qu’il sonne coquinement (ça arrive !), je me laisse faire.



Télécharger



Déni de responsabilité:
Ce site ne stocke aucun fichier sur son serveur. Nous ne faisons qu'indexer et lier au contenu fourni par d'autres sites. Veuillez contacter les fournisseurs de contenu pour supprimer le contenu des droits d'auteur, le cas échéant, et nous envoyer un courrier électronique. Nous supprimerons immédiatement les liens ou contenus pertinents.