Les sentinelles by Ed McBain

Les sentinelles by Ed McBain

Auteur:Ed McBain [McBain, Ed]
La langue: fra
Format: epub
ISBN: 2070376354
Éditeur: Gallimard


CHAPITRE X

Cates avait les yeux fixés sur le canon du pistolet que la femme avait sorti de son gilet de sauvetage. C’était une arme de petit calibre et il se demanda s’il devait essayer de la lui arracher de la main. La femme se redressa d’un coup de reins et balança les jambes par-dessus l’antiroulis de la couchette. Avec une vivacité dont il n’avait jamais été témoin chez une femme au dernier stade de la grossesse, elle recula en un point qu’il ne pouvait atteindre sans qu’elle eût d’abord tiré.

— Ne bougez pas, ni l’un ni l’autre, dit-elle. Randy, ferme la porte.

Il y eut un claquement bref dans le silence de la cabine, le bruit sec du verrou tiré.

— C’est bouclé, Annabelle, dit Randy.

— Qu’est-ce que…

— Taisez-vous, commandant, reprit Annabelle.

Cates la regarda et se demanda encore une fois s’il devait tenter de se précipiter sur elle pour s’emparer de son arme. Ils n’étaient que deux après tout, et s’il pouvait lui enlever son pistolet, même si elle pressait la détente, eh bien, Bunder…

Il eut soudain le sentiment qu’il allait commettre une erreur presque aussi grave que celle qu’il avait faite avec Celeste en juin 1938. C’était étrange, songea-t-il, d’évoquer une jeune Irlandaise aux cheveux noirs alors qu’un pistolet était braqué sur son cœur, mais l’idée qu’il était sur le point de commettre une autre erreur prenait d’effrayantes proportions dans son esprit, et le pis, c’était qu’il ne savait pas au juste en quoi consisterait cette erreur ni même s’il était capable de l’éviter. Serait-ce une erreur de lui sauter dessus ? Serait-ce une erreur plus grande de l’écouter et de retarder une action quelconque jusqu’à ce qu’il sût de quoi il retournait. Il n’en savait rien. De nouveau, il se retrouvait en 1938, et toutes les craintes qu’il avait pu entretenir se déployaient en lui, tel le haricot du conte s’élevant jusqu’à la tête d’un géant qui dévorait les marins désorientés. Le géant était une femme enceinte qui tenait un petit pistolet et posait sur lui le regard le plus impitoyable qu’il eût jamais vu dans un visage d’être humain.

— Vous avez une arme dans cette cabine ? questionna-t-elle.

Il envisagea de mentir. Il lui semblait que la décision qu’il pourrait prendre, quelle qu’elle fût, au cours des instants à venir, le plongerait dans ce vertigineux cauchemar du faux pas commis sans même avoir été compris.

— Oui, répondit-il.

— Où ?

— Dans mon coffre.

— Randy, fit Annabelle.

Rapidement, Gambol alla vers la porte ouverte du coffre et en sortit un colt 45 dans son étui. Il le dégagea de l’étui et le braqua sur Bunder.

— Allez vous mettre là, ordonna-t-il.

Cates suivit des yeux Bunder qui se dirigeait vers le siège indiqué par Randy. Il aurait juré qu’une expression d’immense soulagement était apparue dans les yeux de l’infirmier, comme si la perspective d’échapper à un accouchement le transportait. Lourdement, Bunder s’assit dans le fauteuil près de la bibliothèque de Cates et considéra en clignant des yeux le 45 au poing de Randy.

— Qu’est-ce que vous… commença Cates.



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