Le Voyage by François Cavanna

Le Voyage by François Cavanna

Auteur:François Cavanna [François Cavanna]
La langue: fra
Format: epub
Tags: Roman historique
Éditeur: Albin Michel
Publié: 2006-10-14T22:00:00+00:00


XIII

Voici quatre jours que nous avons débarqué. L’Amiral a fini par convenir, de mauvaise grâce, que nous avions bien abordé sur une île de médiocre étendue, sans doute, ajoute-t-il, une possession lointaine et négligée de l’Empire chinois. Car rien ne le fera démordre de la certitude que nous nous trouvons aux portes de la Chine, malgré Felipa qui, elle, est de plus en plus convaincue que nous avons découvert un monde ignoré que même les grands voyageurs grecs de l’Antiquité n’avaient pas soupçonné.

Quoi qu’il en soit, l’Amiral décide tout à trac de lever l’ancre et de pousser plus à l’ouest. D’autant plus que, des actives gesticulations linguistiques de Pedrito et du vieux chef, il ressort qu’effectivement il se trouve par là une terre plus grande qu’habitent ces fameux Caraïbes, qui sont de terribles guerriers avec à leur tête un grand chef, un chef beaucoup plus puissant que lui, oh là là ! Ces Caraïbes viennent de loin en loin par la mer et exigent un tribut qui leur est aussitôt payé. L’Amiral rayonne :

— Caraïbes, hé ? Voici donc comment on dit « Chinois » en langue sauvage ! Que vous disais-je ? Ce terrible grand chef, c’est l’empereur de la Chine, pardi ! Le Grand Khan de Marco Polo ! Allons, nous tenons le bon bout, ne nous endormons pas ici.

L’équipage ne partage pas cet enthousiasme. Les hommes ont trouvé sur cette île bienheureuse des délices qui les paient de tant de jours d’angoisse entre ciel et eau. Notamment ce fait que les femmes, entre deux grossesses, sont tout à fait tentantes et ne se font nullement prier pour se laisser choir sur l’herbe fleurie. Elles font ça de bon cœur, en riant, d’ailleurs elles font tout en riant. Heureuses natures !

Autre découverte stupéfiante : les maris, les pères, les mères de ces rafraîchissantes créatures proposent eux-mêmes leurs épouses, leurs filles, leurs sœurs, à l’étreinte hautement honorifique des étrangers ! Ça, alors…

Les maîtres d’équipage doivent y aller du fouet pour séparer certains couples, parfois en pleine action. Il se répand des pleurs : des idylles étaient nées. Ah, ces femmes des tropiques !

— C’est là l’hospitalité des âges bibliques, dit l’Amiral, tout attendri. Pedrito ! Fais comprendre au grand-père que je veux emmener un contingent de ses sujets, choisis parmi les plus beaux, afin de les présenter à Sa Gracieuse Majesté Isabelle à notre retour.

— Surtout des spécimens femelles, je suppose ?

— Un peu de chaque.

Les négociations gesticulatoires de Pedrito semblent avoir trouvé plein succès. Dix indigènes, dont cinq « femelles », sont présentés à l’Amiral par l’obséquieux vieillard. L’Amiral hoche la tête, se tourne vers Pedrito :

— Ça me semble pas mal du tout, comme échantillon. Mais, dis-moi, pourquoi ont-ils l’air si craintif ?

— Sans doute la peur de l’inconnu. Cela leur passera.

— Hum. Et pourquoi sont-ils tous si bien en chair ? Plus dodus que leurs compatriotes en général, je dirais. Et pourquoi le vieux chef leur palpe-t-il ainsi les endroits les plus charnus… ? Quoi ? Si j’ai bien compris, il m’invite à en faire autant ?

Pedrito semble avoir compris, lui.



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