Feel good (LITT GENERALE) (French Edition) by Thomas Gunzig

Feel good (LITT GENERALE) (French Edition) by Thomas Gunzig

Auteur:Thomas Gunzig [Gunzig, Thomas]
La langue: fra
Format: azw3
Tags: roman
ISBN: 9791030702835
Éditeur: Au diable vauvert
Publié: 2019-08-22T00:00:00+00:00


Tom soupira, cette phrase n’était vraiment pas terrible. C’était une phrase qui sentait l’effort de l’auteur, une phrase qui sentait le tâcheron au travail, l’élève appliqué dos courbé et tirant la langue, une phrase mort-née. Il aurait été lecteur, il aurait fermé le livre à cet endroit. Pendant un court instant, il fut pris du désir violent d’abandonner cette histoire et de commencer autre chose mais il n’avait pas la moindre idée de ce qu’il aurait pu écrire d’autre. Il avait déjà pas loin de cinquante mille signes, c’était trop bête d’abandonner maintenant, c’était comme renoncer à atteindre le sommet après être arrivé au second camp de base. Et puis, surtout, il avait besoin de ces 1 500 euros d’avance que lui verserait l’Arbre pâle à la remise du manuscrit. Ça représentait trois mois de loyer.

« Mais après ? se demanda Tom. Comment est-ce que je vais faire après ? » L’argent des ateliers d’écriture et le tout petit chômage qui allait disparaître peu à peu ne suffiraient pas à couvrir les frais de base de sa survie. Et à son âge, il se demanda quel genre de travail il allait pouvoir trouver. Il était trop vieux pour faire des chantiers ou bien travailler dans les cafés. Sa voiture était trop vieille et trop moche pour qu’il bosse comme chauffeur Uber. Il y avait des millions de jeunes gens diplômés qui cherchaient du travail et il n’y avait aucune raison qu’on engage un type comme lui. Il fit un calcul qui le plongea dans l’angoisse : il avait quarante-sept ans, il était au chômage, ses livres lui rapportaient, dans le meilleur des cas, 3 ou 4 000 euros par an, ses ateliers d’écriture même chose, les visites dans les écoles un peu moins. 10 000 euros par an, ça faisait 833 euros par mois, avant impôt. Même s’il trouvait un loyer à 400 euros, c’était compliqué. Évidemment, la mort le libérerait de ses soucis d’argent, mais à moins de se suicider (il rejetait cette idée, du moins pour l’instant), sa mort naturelle ne surviendrait (selon les statistiques d’Eurostat) que dans une quarantaine d’années.

Quarante ans à tenir.

Et tenir serait de plus en plus compliqué : avec l’âge, sa santé deviendrait plus fragile, il aurait moins d’énergie, moins de force de travail. Et puis, d’un simple point de vue créatif, il savait qu’avec l’âge il écrirait moins, les vieux auteurs écrivent toujours moins. Pareil à un lac que les rivières n’alimentent plus d’eau fraîche, avec le temps les esprits s’assèchent toujours. Et comme il écrirait moins, il gagnerait encore moins, les écoles ne l’inviteraient plus, ses ateliers d’écriture seraient désertés, ce serait une longue descente vers la misère, la vraie, la noire, celle des vieux sans ressources qu’on entrepose dans les dortoirs sinistres de l’assistance publique, les vieux qui encombrent, les vieux mal nourris, mal soignés, mal aimés et frappés par le personnel soignant.

Tom regarda les quelques plantes piteuses décorant son appartement : feuilles jaunâtres et molles, ça sentait l’agonie. Il alla chercher un verre d’eau, les arrosa et regarda l’eau disparaître dans la terre sèche.



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