Gougaud Henri – Le trouveur de feu by Unknown

Gougaud Henri – Le trouveur de feu by Unknown

Auteur:Unknown
La langue: fra
Format: epub
Publié: 0101-01-01T00:00:00+00:00


11

– Alors, dit Chilam, comme je traversais la première terrasse, trois vieillards impotents ont saisi ma cheville et m’ont demandé de la chair. Je leur ai répondu que nul n’en avait ici mais qu’ils seraient bientôt satisfaits car le veilleur du Sud avait aperçu des Dagans cheminant le long du fleuve, chargés de vivres à foison. En vérité je t’avais obéi : j’avais à l’aube désigné neuf chasseurs parmi les plus violents. A l’heure où le soleil passe au faîte du ciel je les ai vus l’un après l’autre revenir. Ils suivaient l’ombre étroite de la muraille, honteux et fourbus. Aucun chant, aucun enfant piaillant aux babines rougies ne leur faisait escorte. Le pas divagant ils ont traversé la grande cour de l’Ouest parmi leurs frères silencieux et sont allés s’agenouiller dans les salles désertes, le front contre les dalles, la langue salée entre les dents. A voix basse je leur ai demandé où étaient les viandes. Ils ont élevé devant mes yeux leurs griffes sèches et m’ont dit, la bouche tordue, qu’ils étaient bredouilles car aucun villageois velu n’avait, aujourd’hui, croisé leur chemin sur la plaine.

Seul Rambo le muet a franchi le portail triangulaire, le dos ployé sous la carcasse d’une vieille femelle de Grands-Signes tranchée en deux quartiers. Il était épuisé comme un sexe après quatre soleils de besogne amoureuse. Quand son corps fumant s’est effondré dans la poussière, mon cœur a durement mordu ma poitrine. La chasse, dame reine, fut presque désespérée. Depuis hier les Homlis sont assemblés dans les villages. Il n’y a plus d’errants.

Chilam se tait. La lueur fauve d’un flambeau grésillant fiché dans le mur de la chambre profonde illumine son crâne poli, les veines de sa tempe, sa joue creuse, les rides fines au coin de l’œil inquiet, ses

mains longues à demi dissimulées par les plis de la robe. En face de lui Dame Enlila est assise dans le fauteuil de pierre, un ample manteau enveloppe son corps, la nuit cerne son visage au regard sombre, innocent et serein. Elle reste un moment rêveuse puis sourit sans que bougent ses traits parfaits. Alors une lampe nouvelle s’allume dans les yeux du vieillard au grand savoir. Il sourit aussi, l’espoir dans sa chair éclôt comme une aube, envahit ses labyrinthes humides, chasse l’angoisse, inconsistante brume. Il murmure :

– Dis-moi que nous cheminerons encore avec l’aisance grave des pacifiques, le souffle sans défaut, le corps sans blessure.

Elle répond doucement :

– Non.

Chilam se détourne, la flamme de la torche traverse ses prunelles, ses paupières battent, il porte au front sa main tremblante car à nouveau fléchit l’axe de son esprit. Il fait le long du mur quelques pas indécis, effleurant de l’ongle les incunables jusqu’aux ténèbres entassés. Il dit :

– Faut-il que le peuple soit décimé ? Faut-il que tombent en poudre les livres aux belles paroles parmi nos ossements ?

Dame Enlila répond encore :

– Non.

Elle soupire et tend la main au Grand Dagan. Il vient vers elle, l’esprit troué. Le pan de sa robe au



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