Idylles by André Dhôtel

Idylles by André Dhôtel

Auteur:André Dhôtel [Dhôtel, André]
La langue: fra
Format: epub
Tags: Fiction
ISBN: 9782072644672
Éditeur: Folio
Publié: 1961-01-15T04:00:00+00:00


La fille du général

Elle payait ses dettes au bistrot. Il est vrai qu’il ne buvait guère et que ce n’était pas un bistrot proprement dit : une sorte de tonnelle sous la colline de craie, où M. Fripe, limonadier ambulant, s’installait et vendait, en plus de la limonade, des verres de petite eau-de-vie que par dérision on appelait aussi limonade. M. Fripe s’installait sous une tente appuyée à la falaise qui formait un creux en ce lieu, juste au virage de la route nationale, derrière les voies de la gare. Les camionneurs qui s’arrêtaient, les employés du chemin de fer, les ouvriers des usines, quelques passants venaient ici lever le coude à toute heure du jour, surtout vers midi et dans la soirée. On s’asseyait sur les blocs de silex qui s’étaient détachés de la falaise et avaient roulé sur le terre-plein. On discutait à perte de vue. Claude Nassant habitait non loin du fleuve, de l’autre côté de la gare, à un kilomètre d’ici. Il vivait, disait-on, aux crochets de la fille du général, la vieille demoiselle qui payait ses boissons et qu’il détestait merveilleusement. Il conta maintes fois aux clients de Fripe sa propre histoire avant d’être lui-même entraîné dans une autre affaire qui débuta par une discussion philosophique à propos de cette jeune fille habitant avec sa mère l’unique masure bâtie en haut de la colline de craie, juste au-dessus de la carrière. Mais il s’agit pour l’instant de la fille du général.

Ce n’était pas un vrai général, simplement un commerçant qu’on avait surnommé le général pour des raisons obscures, et qui était mort d’ailleurs depuis dix ou quinze ans. Sophie Berguet, qui avait une cinquantaine d’années à l’époque, gardait le titre de fille du général, et l’on en était venu à s’imaginer en toute sincérité qu’elle était la descendante d’un vieux personnage tout chamarré d’or et aux yeux bleus. Quoi qu’il en soit, elle avait hérité d’une fortune assez belle, constituée par des maisons, des lopins de terre, des actions dans les aciéries, on ne savait pas au juste. Elle menait une vie exiguë, s’étant cantonnée dans une petite villa qui servait autrefois de rendez-vous pour les chasseurs de gibier d’eau, et qui s’élevait au centre d’une presqu’île entre deux bras morts du fleuve, tantôt presque à sec, tantôt débordant d’une eau bouillonnante. Claude logeait dans une baraque sur l’autre rive de l’un des bras, à la limite d’une étendue lotie en jardins potagers entremêlés de taillis nombreux et de fondrières. La baraque de Claude et son terrain appartenaient à la fille du général. Claude n’avait pas été vraiment adopté par Sophie Berguet, mais elle avait aidé à son éducation, quand sa mère vivait, et elle lui avait procuré quelques emplois, qu’il abandonnait l’un après l’autre, dans les scieries, dans les docks. Il avait même travaillé comme auxiliaire à l’octroi. Vers la trentaine, il prétendit faire l’élevage des lapins et des poules, et transformer son terrain en une exploitation maraîchère, mais il tirait son principal bénéfice



Télécharger



Déni de responsabilité:
Ce site ne stocke aucun fichier sur son serveur. Nous ne faisons qu'indexer et lier au contenu fourni par d'autres sites. Veuillez contacter les fournisseurs de contenu pour supprimer le contenu des droits d'auteur, le cas échéant, et nous envoyer un courrier électronique. Nous supprimerons immédiatement les liens ou contenus pertinents.