L'Île by Robert Merle

L'Île by Robert Merle

Auteur:Robert Merle [Merle, Robert]
La langue: fra
Format: epub
ISBN: 9782070244195
Google: 5V8UwQEACAAJ
Amazon: 2070244199
Éditeur: Gallimard
Publié: 0101-01-01T00:00:00+00:00


CHAPITRE XI

Purcell finissait à peine son petit déjeuner quand on frappa à sa porte. C’était White. Son visage jaune était fripé et creusé comme s’il avait passé une mauvaise nuit.

— Il y a assemblée dans une demi-heure, dit-il d’une voix un peu essoufflée.

Purcell leva les sourcils.

— Je ne fais plus partie de l’assemblée.

— Mac Leod vous demande de venir quand même. C’est grave. Les Tahitiens ont pris la brousse avec leur femmes.

— Et il s’en aperçoit maintenant ! Où a-t-il cru qu’ils allaient quand il leur a tiré dessus ?

— Évidemment, dit White en secouant la tête d’un air de tristesse, c’était à prévoir.

Purcell le regarda. C’était la première fois qu’il sortait de son rôle de stewart et émettait un commentaire sur les événements. Depuis le partage des femmes il n’avait cessé de désapprouver l’attitude de Mac Leod, mais sans jamais rompre avec lui.

— White !

Il était déjà à la porte. Il se retourna.

— White, pourquoi vous abstenez-vous au lieu de voter contre Mac Leod ?

White le considéra un moment comme s’il se demandait si Purcell avait bien le droit de lui poser une question pareille. Mais il dut se décider pour l’affirmative, car il dit d’un ton net :

— Je trouve que Mac Leod n’agit pas bien.

Sa voix était douce et chantante, et il parlait plus correctement qu’aucun autre matelot à bord. Grammaire, vocabulaire, prononciation, tout était pur. Le clergyman ivrogne qui l’avait élevé lui avait du moins appris cela.

White reprit avec le scrupule de bien préciser sa pensée :

— Je trouve qu’il n’agit pas bien avec les Tahitiens.

Il ne disait pas les « Noirs ». Il disait, comme Purcell, les « Tahitiens ». Il était, avec lui, le seul Britannique de l’île à observer cette nuance.

— Eh bien, dit Purcell avec une légère impatience, vous auriez pu voter contre lui. Vous l’auriez empêché de commettre un certain nombre d’injustices.

— Je ne voulais pas voter contre lui.

— Pourquoi ?

White regarda de nouveau Purcell d’un air de doute. Il se demandait s’il n’y avait pas du mépris pour lui dans cette insistance, et si Purcell poserait autant de questions à un vrai Britannique. Cependant, comme Purcell lui rendait son regard avec tranquillité et attendait sa réponse d’un air poli, il se rassura. Il dit, non sans solennité :

— Je lui dois une grande obligation.

— Laquelle ? dit Purcell, imperturbable.

Il avait senti l’hésitation de White, en avait compris l’origine et avait décidé de pousser son enquête jusqu’au bout.

— Vous comprenez, dit White, dans les débuts, on s’est beaucoup moqué de moi à bord…

Il ajouta très vite :

— À cause de mon nom.

C’était caractéristique. Il ne disait pas « à cause de mon teint jaune et de mes yeux bridés ». Il disait « à cause de mon nom », comme si son patronyme était seul en cause.

— Eh bien ?

— Mac Leod ne s’est jamais moqué.

« Il a dû sentir que c’était dangereux, pensa Purcell. Et pour cela, pour cette abstention, pour ce bienfait qui n’en était pas un, White lui



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