Le Naufragé by Thomas Bernhard

Le Naufragé by Thomas Bernhard

Auteur:Thomas Bernhard [Bernhard, Thomas]
La langue: fra
Format: epub
Tags: littérature autrichienne
ISBN: 9782070704187
Google: O8sHNAAACAAJ
Éditeur: Gallimard
Publié: 1986-07-14T22:00:00+00:00


Le fait est : il s’est supprimé, pas moi, pensai-je, je ramassais justement mon sac par terre pour le poser sur le banc quand l’aubergiste entra. Elle était, dit-elle, tout à fait surprise, elle ne m’avait pas entendu ; je pensai, elle te ment. À coup sûr, elle t’aura même vu entrer dans l’auberge, elle t’aura observé tout ce temps, aura évité intentionnellement de paraître dans la salle à manger, l’infecte, la répugnante quoique également attirante créature dont le chemisier était déboutonné jusqu’au ventre. Ces gens qui ne se cachent même pas de leur vulgarité, pensai-je, qui la montrent ostensiblement, pensai-je. Qui peuvent fort bien se passer de cacher leur vulgarité, leur bassesse, me dis-je. La chambre que j’avais toujours eue, m’apprit-elle, n’était pas chauffée, mais on pouvait très probablement se passer de chauffage car la brise était douce ; elle allait ouvrir les fenêtres de la chambre et laisser entrer le doux air printanier. Elle dit cela tout en manifestant l’intention de boucler son chemisier mais sans boutonner effectivement ledit chemisier. Wertheimer était passé chez elle avant de se rendre à Zizers. Elle avait appris par le transporteur qu’il s’était suicidé, le transporteur l’avait appris par l’un des journaliers qui entretiennent la propriété de Wertheimer et la surveillent, en l’occurrence par Kohlroser (Franz). On ne savait pas, dit-elle, qui allait prendre possession de Traich à présent, sûrement pas la sœur de Wertheimer, celle-ci, d’après elle, était en Suisse pour toujours. Elle ne l’avait vue que deux fois au cours des dix années passées, une femme inabordable, pas du tout comme son frère qui était abordable, lui, elle employa même le terme sociable, ce qui me surprit car jamais le mot sociable ne m’est venu à l’esprit en rapport avec Wertheimer. Wertheimer, dit-elle, avait été bon avec tout le monde, elle dit effectivement bon mais aussi, sans reprendre haleine, qu’il avait laissé tomber Traich. Ces derniers temps, il y avait souvent eu des étrangers à Traich, ils étaient restés là des jours et même des semaines sans que Wertheimer se fût manifesté à Traich ; des gens auxquels Wertheimer avait confié les clés, comme elle dit, des artistes, des musiciens, son ton se fit méprisant pour prononcer les mots artistes et musiciens. Ces gens, d’après elle, n’avaient fait qu’exploiter Wertheimer et son Traich, s’étaient enivrés et engraissés à ses frais durant des jours et des semaines, étaient restés couchés dans leur lit jusqu’à midi, avaient déambulé dans le bourg en riant fort et dans des tenues folles, plus dépenaillés les uns que les autres, comme elle l’affirma, ils avaient fait un effet déplorable. Quant à Wertheimer, affirma-t-elle, on l’avait vu lui aussi de plus en plus dépenaillé, elle a tiré en longueur le mot dépenaillé, elle a hérité cela de Wertheimer, pensai-je. La nuit, dit-elle, elle avait entendu Wertheimer jouer du piano, il y passait la moitié de ses nuits, souvent jusqu’au petit matin ; à moitié endormi et dans ses habits tout froissés et défaits, Wertheimer avait traversé le



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