Le Jeune homme et la mort by Ruth Rendell

Le Jeune homme et la mort by Ruth Rendell

Auteur:Ruth Rendell [Rendell, Ruth]
La langue: fra
Format: epub
ISBN: 2702420303
Éditeur: Le Masque


11

Gray avait lui aussi allumé une cigarette. Il avait pris une allumette à Honoré, l’avait tenue baissée pour stabiliser la flamme, puis jetée dans le cendrier. Il ôta la cigarette de ses lèvres.

— Isabel ?

— Qu’est-ce qui t’arrive, Grahamme ? On dirait que t’as vu un fantôme. Peut-être que ton bain était trop chaud ? Va prendre une couverture sur ton lit, sinon tu vas t’enrhumer.

— J’ai pas froid, articula machinalement Gray, sans même penser à ce qu’il disait.

Honoré haussa les épaules devant cet entêtement des jeunes à ne jamais écouter les conseils. Il se lança dans un panégyrique d’Isabel, s’extasiant sur sa force de caractère typiquement anglaise et sur son intrépidité : partir seule en Australie, à son âge !

Gray se leva avec raideur.

— Je vais me coucher, dit-il.

— En plein milieu de notre conversation ? Comme tu voudras, mon fils, mais c’est à ses manières qu’on reconnaît un homme. Encore un proverbe anglais. C’est drôle qu’ils semblent n’avoir aucun sens pour les Anglais eux-mêmes.

Gray sortit en claquant la porte, négligea de couper la lumière du hall comme Honoré le lui avait demandé, puis s’enferma dans sa chambre et s’assit sur le lit. Il commençait vraiment à sentir le froid, à présent, et avait la chair de poule.

Isabel, sacré bon sang ! comment avait-il pu l’oublier ? Et pourtant, il avait failli se rappeler en quittant la bicoque. Il savait que quelque chose le turlupinait, et il avait pensé à la soirée de miss Platt. Qu’est-ce que ça pouvait foutre » qu’il y aille ou non ! Alors que c’était Isabel qui lui trottait dans la tête. De vagues et fugaces réminiscences l’avaient mis mal à l’aise, comme lors de sa promenade vers la ferme des Fonds. À moins qu’il ne se soit trompé de weekend ?

Il y avait un vieux numéro du Soir dans la cuisine, celui de vendredi. Il s’y rendit donc et le trouva qui doublait l’intérieur de la poubelle rouge écarlate. Vendredi 4 juin, puis la photo des inondations d’une quelconque ville des antipodes qui avait dû constituer la grande nouvelle du jour. Si vendredi était le 4, aujourd’hui, le mercredi suivant, devait être le 9 et lundi avait été le 7. Pas la peine de chercher, d’ailleurs : le jour d’Isabel était celui où il devait rentrer de la boum de Francis.

Il s’assit à la table et resta prostré, se tenant si fort la tête dans les mains que sa paume brûlée recommença à lui élancer. Que pouvait-il faire, bon Dieu ! coincé ici à Bajon, sans un rond, avec sa mère à l’agonie ?

Il essaya d’imaginer calmement et logiquement la scène. Lundi 7 juin à midi, Isabel avait dû débarquer dans Pocket Lane avec sa Mini, entrer dans la bicoque avec la clef qu’il lui avait donnée, ouvrir la porte de la cuisine, déposer sur le couvercle de la baignoire une douzaine de boîtes de viande, mettre par terre une petite gamelle d’eau et, après moult caresses d’adieu et promesses de prompt retour, laisser Didon, la chienne labrador, seule dans la place.



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