La nuit de la lézarde by Malika Mokeddem

La nuit de la lézarde by Malika Mokeddem

Auteur:Malika Mokeddem [Mokeddem, Malika]
La langue: fra
Format: epub
Tags: Fiction
ISBN: 9782246573197
Éditeur: Grasset
Publié: 1998-01-11T01:00:00+00:00


Nour se réveille avec l’impression d’avoir dormi plusieurs jours. Elle porte la main à sa poitrine, inspire l’air lentement. La douleur a disparu. Encore étourdie, elle observe les murs. Un flot de lumière entre par la porte et anime les courbes de leurs dessins d’un mouvement d’anguille, ruisselle sur le vert pâle avec des reflets d’écailles. Nour se demande pourquoi elle a abandonné le travail de la glaise. Après la jubilation éprouvée à la réalisation des fresques, elle a passé des après-midi entiers à sculpter la terre en objets divers. « Les anxiétés nous vrillent, chamboulent nos vies. » Elle se cabre et se contredit : « Non, non ! c’est qu’entre le jardin, la lutte contre les sables et le marché... je n’ai plus de temps. Plus de temps ? Et celui passé à rêvasser ? » Elle réfléchit un moment avant de conclure avec un petit air espiègle :

« Celui-là, il est irréductible, la part de l’ange restée dans nos mémoires sorcières. »

Cette déduction la satisfait. Elle s’assied sur sa couche. Ses yeux tombent sur la photographie de Dounia : « Elle, elle nourrit sa part d’ange avec des histoires de papier. » Sur le point d’ajouter : « Elle a bien de la chance », Nour se ravise pour décréter : « Oui, mais quand ses livres la lâchent, Dounia semble revenir de plus loin. D’ailleurs... revient-elle vraiment ? » Aussitôt, la réflexion du père de Dounia, qui le matin l’avait laissée placide, lui revient à l’esprit. Elle adresse un sourire complice au portrait de la jeune fille.

Ses yeux cherchent Smicha sans le trouver, le lézard a déguerpi. Elle scrute alors le désert qui s’encadre à son seuil. Insidieusement, l’inquiétude sourd dans sa tête, brouille ses pensées et lui tord le ventre. En pareil cas, Nour se lance toujours dans une succession de tâches, tout à coup plus vitales les unes que les autres. Elle se lève, empoigne le drap, le matelas puis la natte, s’en va les secouer dans la cour, s’empare d’un seau, bat d’une main son eau. Celle-ci clapote dans le récipient, tombe sur le sol avec des claquements de langue gourmande. Une moue triomphale s’esquisse sur les lèvres de Nour. Son regard suit le tracé des gerbes, s’émerveille des gouttelettes qui se détachent, roulent sur le sol, amassent sa poussière. Pendant quelques secondes, elles forment des baies translucides couvertes de pruine avant que la terre les absorbe, ne gardant que leurs marques en confetti.

L'eau des trois seaux y passe. Nour va les remplir au puits et recommence. Ensuite, elle se munit d’un balai. La terre ainsi mouillée puis raclée prend l’aspect du vieux cuir.

Dans la cour arrosée, l’air est moins torride. Mais dès le seuil de la maison, la chaleur lèche le visage, les bras nus de Nour. Son va-et-vient entre le puits et sa maison l’a mise en nage : « Il est trop tôt pour aller travailler au jardin. »

Debout sur le pas de sa porte, Nour cligne des yeux. La surface des sables semble vaciller, donnant une illusion de mouvement.



Télécharger



Déni de responsabilité:
Ce site ne stocke aucun fichier sur son serveur. Nous ne faisons qu'indexer et lier au contenu fourni par d'autres sites. Veuillez contacter les fournisseurs de contenu pour supprimer le contenu des droits d'auteur, le cas échéant, et nous envoyer un courrier électronique. Nous supprimerons immédiatement les liens ou contenus pertinents.